Dissertation littéraire : Nadja d’André Breton
« Tout ce que je sais est que cette substitution de personnes s’arrête à toi, parce que rien ne t’est substituable, (…) » Nadja, Folio, p. 186-187
L’Auteur-narrateur (ici une forme ou une autre d’André Breton) annonce qu’il a une seule et entière connaissance certaine : il a terminé un parcours englobant de nombreuses étapes humaines etest enfin arrivé à une conclusion, un but qu’il ne saurait remplacer par rien d’autre de manière satisfaisante. A priori on ne sait pas exactement de qui il s’agit, si ce n’est que l’objet trouvé (voire retrouvé) est « tu », que c’est LA personne centrale et obnubilante. Comment donc un homme qui considérait que les gens, comme on les appelle vulgairement, ne sont que des exemples, des situationsparticulières définies par les contraintes spatio-temporelles du monde matériel, peut-il accorder tant d’importance à une personne qui prendrait dès lors le rôle de dénominateur commun ou de totalité, enfin d’idéal ? N’est-ce pas une contradiction aussi d’affirmer que s’ils s’arrête, chemin il y avait, au cours duquel « je » cherche « tu », alors qu’en théorie de l’auteur est convaincu de, etprêche, sa propre errance et la fortuité des ces rencontres, puis de leurs substitutions? Et finalement, vu les rappports biographiques – du moins en partant du principe que ce que l’auteur fait passer pour la réalité l’est – jusqu’à quel point sommes nous encore dans la réalisation de la théorie du surréalisme, alors qu’il s’agit ici de passion ?
En abordant Nadja, il faut prendre conscience del’ambiguïté constante des énoncés de Breton. Ceci explique peut-être pourquoi il n’hésite jamais à se contredire, car après tout, le surréalisme se trouve dans l’antithèse. Dans cette mesure là, il réussit à merveille à rester fidèle à son précepte. Seulement, ce procédé remet également en question la crédibilité de l’auteur en tant que fondateur d’un mouvement, d’autant plus qu’on sait que Bretonexigait une adhésion complête à ses thèses. Il paraît donc un peu trop facile de dire comme il le fait que « Tu n’es pas une énigme pour moi. »[1] de son idéal dont il ne rapporte quasiment aucun geste donnant une ouverture sur le monde caché qu’il cherche, alors que l’incarnation précédante du surréalisme, c’est à dire Nadja, lui donne preogressivement « (…) de plus en plus de peine à suivre sonsoliloque, que de longs silences rendent intraduisible. ». En effet, à la fin du texte, Breton pose le très éloquent et lapidaire « La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas. » qui semblerait justifier la supériorité ponctuelle et définitive de « tu » sur Nadja. Seulement, les deux femmes (car on sait que « tu » est une femme, qu’elle se nomme Suzanne Musard) ne sont pas jugées à la même enseigne :Nadja a un don de clairvoyance et/ou de folie, tandis que la merveille (autre désignation de « tu ») est simplement parfaite, ou plutôt complête. Elle se contente d’être comme elle est. Et ce qui lui vaut tant d’estime de la part de Breton, c’est en grande partie sa beauté dont il dit « qu’elle n’a jamais été envisagée ici qu’à des fins passionnelles. ». Quelle est donc la cohérence entre uneouverture mentale vers la surréalité et la beauté d’une femme qui n’aura cette valeur particulière que pour lui ? Breton ne l’explique pas. Il n’a pas la gentillesse non plus de clarifier si, en fin de compte, il vaut la peine de faire une distinction entre Surréalisme et « la vie sentimentale d’André Breton ».
Malgré cela, il y a encore quelques points qui méritent peut-être un peu d’attention. Il y adans l’énoncé traité une idée de quête, de recherche. A priori on peut se demander s’il n’y a pas là un paradoxe de plus dans la vision bretonnienne. Au début du récit, il souligne à plusieurs reprises qu’il a fait des rencontres très importantes par hasard. Celui-ci est cependant perçu comme étant parfois une manifestation d’un fil rouge inconnu du lecteur et de l’auteur, sauf justement en…