Essais

Exemple de dissertation rédigée, classe de Seconde 2, 9 octobre 2007

SUJET DE DISSERTATION :

« L’art est toujours le résultat d’une contrainte. Croire qu’il s’élève d’autant plus haut qu’il est plus libre, c’est croire que ce qui retient le cerf-volant pour monter, c’est sa corde. La colombe de Kant, qui pense qu’elle volerait mieux sans cet air qui gêne son aile, méconnaît qu’il lui faut,pour voler, cette résistance de l’air pour pouvoir appuyer son aile. C‘est sur de la résistance, de même, que l’art doit pouvoir s’appuyer pour monter. […] Le grand artiste est celui qu’exalte la gêne, à qui l’obstacle sert de tremplin […]. L’art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté. »
André Gide, Nouveaux Prétextes

En vous appuyant sur des exemples littéraires précis,vous analyserez et discuterez ces propos d’André Gide sur l’art.

Dans Le Travail intellectuel, Jean Guitton écrit que « la forme nécessite la contrainte, qui est la condition de la plénitude ». Quelques années auparavant, dans ses Nouveaux Prétextes, conférences données sur le théâtre, André Gide notait : « L’art est toujours le résultat d’une contrainte. […] C’est sur de la résistance, […]que l’art doit pouvoir s’appuyer pour monter. […] Le grand artiste est celui qu’exalte la gêne, à qui l’obstacle sert de tremplin […]. L’art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté. » La création littéraire est-elle, comme l’affirme Gide par le biais d’une métaphore des âges de l’existence, conditionnée par la contrainte, qui permet son déploiement ? Par extension, l’inconnu, lanouveauté, sont-ils autant de chemins de perdition et de médiocrité pour « le grand artiste » ? Nous aborderons en un premier lieu la contrainte en ce qu’elle est étroitement liée à l’art, et plus précisément ici à la création littéraire, pour considérer ensuite le texte libéré de ses entraves, qui par là même devient véritable œuvre de création, et nous intéresserons enfin aux ambiguïtés queprésentent les contraintes.

« L’art est toujours le résultat d’une contrainte », note Gide. Les formes de celle-ci sont multiples. « L’art […] vit de lutte, meurt de liberté ». Un ascétisme permanent, une astreinte corporelle, une misère matérielle sont autant de vecteurs d’une création vitale et sans cesse renouvelée. Dans Les yeux plus gros que le ventre, Cavanna explique que Chopin, non affaibli parla tuberculose et la certitude d’une mort prochaine, serait probablement devenu pianiste à ses heures perdues, commerçant honnête et gras pour le reste. Les difficultés quotidiennes auxquelles se heurte le « grand artiste » pour subvenir à ses besoins rendent l’œuvre à venir plus grande, plus belle. C’est dans la souffrance que le personnage principal de L’Œuvre, qui a perdu son enfant, peint unetoile novatrice et scandaleuse qui révolutionne la peinture. De même, dans La Cousine Bette, Balzac met en scène Wenceslas Steinbock, jeune polonais en fuite de naissance noble et miséreux, mais pourvu de doigts d’or et sculpteur né, dont les rares créations sont bouleversantes, du moins jusqu’à ce qu’il épouse Henriette Hulot. L’aisance matérielle venue avec le mariage, il s’empâte, devientvulgaire et finit critique d’art, véritable déchéance aux yeux de Balzac.
La contrainte, si elle est matérielle, réside aussi dans la forme. L’écrivain se plie à un genre et aux règles qui lui sont propres, lesquelles peuvent le mener, à force d’exercices, à la perfection. Ainsi Racine, en dépit d’un très faible corpus de mots, parvient-il, par l’entremise d’une connaissance solide de la métrique etde la prosodie, à susciter des émotions tout aussi fortes que lors d’un représentation du Roi Lear de Shakespeare, où le vocabulaire est pourtant autrement plus riche. La contrainte est le marchepied de l’excellence, cette résistance sur laquelle il « [s’appuie] pour monter ». Dans Cyrano de Bergerac, lors du duel opposant Gonzague à Savinien Cyrano de Bergerac, ce dernier, tout en joutant…