Évolution de la bce

Banques centrales : d’un régime à l’autre
L’inflation financière puise sa source dans les pays développés avec des politiques monétaires ultra-accommodantes et une liquidité abondante et bon marché qui se déverse en partie sur les marchés émergents à forte rentabilité. L’inflation réelle (hors chocs d’offre) naît de tensions productives dans la sphère émergente symptomatique d’économies ensurchauffe, laquelle s’exporte chez nous sous forme de hausses de prix des matières premières. Ces mutations profondes du ou des régimes d’inflation devraient amener les Banques centrales à repenser leurs stratégies de politique monétaire.
De la croissance sans inflation
Les Banques centrales ont construit et ancré leur crédibilité en luttant contre le principal stigmate des excès cycliques à savoirl’inflation. Après guerre, les cycles économiques sont devenus assez lisibles avec un déroulé assez mécanique lorsque, très schématiquement, les phases de surchauffe économique, souvent nourries par une surcharge de crédits, débouchaient sur une accélération de l’inflation des prix des biens et services, reflet des excès de demande et/ou de tensions sur le marché de l’emploi. Pour éviter que lamachine économique ne s’emballe trop, les Banques centrales n’avaient qu’à user du levier monétaire pour resserrer les conditions de financement et ainsi amortir le cycle (ce qui malheureusement plongeaient souvent les économies en récession) et faire disparaître l’empreinte inflationniste, avant d’opérer le chemin inverse pour impulser un nouveau cycle de croissance. Une fois la guerre contrel’inflation gagnée, l’idée a été d’agir le plus en amont possible avant que la menace inflationniste ne se matérialise afin de lisser le plus possible ces à-coups conjoncturels. Cette stratégie d’ancrage nominale s’est avérée payante, puisqu’à partir du milieu des années 1980, la croissance et les prix ont, comme espéré, fait preuve d’une plus grande régularité au point de caractériser cette périodecomme celle de la « grande modération ».
Cette stabilité nominale est, certes, à mettre à l’actif des Banques centrales, inflation anticipée et/ou mémoire de l’inflation ayant convergé vers des cibles de prix basses et stables, mais pas seulement. La globalisation et l’émergence des pays low cost, avec, en corollaire, le développement d’une plate-forme industrielle ultra-compétitive, ont été desfacteurs puissants de désinflation. En l’absence de tensions inflationnistes dans la sphère réelle, les Banques centrales ont, d’ailleurs, pu maintenir des politiques monétaires durablement accommodantes sans jamais mettre en péril leur mandat d’ancrage nominal.
Le problème est que si l’inflation a déserté la sphère réelle, les enjeux se sont progressivement déplacés vers la sphère financière oùs’est développée une instabilité chronique avec une inflation galopante des prix d’actifs (actions puis immobilier) sur fond d’effets de leviers croissants (dans un contexte de taux bas synonymes d’accès à une liquidité abondante et bon marché). Les effets potentiellement dévastateurs associés à cette mutation du régime inflationniste ont été largement sous-estimés, y compris au niveau des Banquescentrales imprégnées du paradigme dominant suivant lequel stabilité nominale et stabilité financière allaient de pair. Les marchés étant efficients, tout mouvement de prix d’actifs se devait, en effet, de refléter l’évolution des fondamentaux sous-jacents avec une finance capable de s’autoréguler au gré des signaux envoyés par la sphère réelle.
L’amplitude historique de la crise de 2008 a balayé cescertitudes. Arriver à dompter les mouvements de balancier de la finance est devenu une priorité absolue. Les Banques centrales ont été souvent incriminées pour avoir laissé les taux d’intérêt trop bas pendant trop longtemps ce qui a nourri les excès financiers. La critique est facile et ne rend pas compte de la chaîne globale et complexe des responsabilités avec un aveuglement collectif, un…