Stendhal. Le Rouge et le Noir. Chap 9.
Une terrible angoisse confondait Mme de Rênal, qui, ne pouvant saisir les enjeux romantiques deJulien, timidement souleva son regard vers le ciel. Les minutes s´écroulèrent avec une vitesse hallucinante ; caractéristique aux moments où l´on pensetrop et l´on agit trop peu. La voix de Mme de Rênal devint tremblante, ses mouvements lents et ses pas lourds…
Combat entre amoureux, l´anxiétédévora le château. Mme de Rênal avait raison, il eût été inconcevable pour Julien de lui avouer son doux secret, devant Mme Derville. L´espaced´un instant, neuf heures trois quarts sonnèrent à l´horloge du château, on ne peut imaginer sort plus inquiétant pour un jeune homme que le momentoù les sentiments fleurissent sans option de les savourer, précisément, c´était le cas… Aussitôt Julien bougea sa jambe au-dessous de la table, Mmede Rênal frémissait, en étant pourtant un seul geste naturel de pure accommodation involontaire. Soudain dix heures sonnèrent, un parfum dansl´air versa l´amour entre leurs veines, Mme de Rênal sentit son cœur s´accélérer, puis la tête de Julien se mit à tourner. Tout semble beau, tout sebrise. Ivres de joie ne sachant pourquoi, Julien prit gentiment la main de mademoiselle, mais surpris par l´imprévu, cette main lui fut retirée toutà coup.
L´esprit hors de lui, Julien saisit à nouveau. La main de Mme de Rênal, douce et blanche comme la neige, resta enfin sur la sienne.