Extrait

L’œuvre au noir

Extrait : le grand chemin :
Chapitre 1 de :
Henri-Maximilien Ligre poursuivait par petites étapes sa route vers Paris. Des querelles opposant le Roi à l’Epereur, il ignoraittout. Il savait seulement que la paix vieille de quelques mois s’effilochait déjà comme un vêtement trop longtemps porté. Ce n’était un secret pour personne que Francois de Valois continuait à guignerle Milanais comme un amant malchanceux sa belle ; on tenait de bonne source qu’il travaillait sans bruit à équiper et à rassembler sur les frontières du duc de Savoie une armée toute, chargée d’allerramasser à Pavie ses éperons perdus. Mêlant à des bribes de Virgile les secs récits de voyage du banquier son père, Henri-Maximilien imaginait, per-delà des monts cuirassés de glace, des files decavaliers descendant vers de grands pays fertiles et beaux comme un songe : des plaines rousses, des sources bouillonnantes où boivent des troupeaux blancs, des villes ciselées comme des coffrets,regorgeant d’or, d’épices et de cuir travaillé, riches comme des entrepôts, solennelles comme des églises ; des jardins plains de statues, des salles pleines de manuscrits rares ; des femmes vêtues de soieaccueillentes au grand capitaine ; toutes sortes de raffinements dans le mangeaille et la débauche, et, sur des tables d’argent massif, dans des fioles en verre de Venise, l’éclat moelleux dumalvoisie.
A :
Ils se séparèrent au prochain carrefous. Henri-Maximilien choisit la grand-route. Zénon prit un chemin de traverse. Brusquement, le plus jeune des deux revient sur ses pas, rejoignit soncamarade ; il mit la main sur l’épaule du pèlerin :
* Frère, dit’il, vous souvenez –vous de Wiwine, cette fillette pâle que vous défendiez jadis quand nous autre, mauvais garnements, lui pincions lesfesses au sortir de l’école ? Elle vous aime ; elle se prétend lié à vous par un vœu ; elle refusé ces jours-ci les offres d’un échevin. Sa tant la souffletée et mise au pain et à l’eau, mais elle…