Genèse de fin de partie

Genèse de Fin de partie
Samuel Beckett

Les premières esquisses de Fin de partie remontent à 1925-50. Alors que En attendant Godot avait été rédigé, en 1948-49, entre Malone meurt et L’Innommable, pratiquement d’un seul jet26, la genèse de Fin de partie est beaucoup plus complexe et tourmentée. Après la rédaction de L’Innommable, Beckett a le sentiment d’être dans une impasse. Il existeenviron une dizaine de manuscrits de Fin de partie, étalés de 1950 à 1956 (mais tous ne sont pas datés), ce qui atteste des atermoiements de l’écrivain et d’une création douloureuse. La première des esquisses, celle de 1950, dialogue entre deux personnages
simplement nommés A et B, est interrompue par la citation de quelques vers d’un sonnet de Pétrarque.
Le poète y exprime son sentiment quel’expression ne peut se trouver que lorsque l’émotion a été quelque peu mise à distance. Or, Beckett vient de perdre sa mère à la suite d’une longue et pénible agonie pendant laquelle il l’a assistée. Quatre ans plus tard, il assiste aussi son frère pendant une longue maladie, jusqu’à la mort. Les lettres qu’il envoie alors attestent de l’insupportable lenteur que prit pour lui le temps de ces mortsannoncées, et qu’il a voulu certainement rendre dans Fin de partie.
Mais il lui faudra encore bien d’autres reprises, et la mise à distance de sa propre émotion à travers l’humour et l’ironie avant de pouvoir continuer la composition de Fin de partie.

Ses lectures de ces années-là (la Genèse, Baudelaire, Racine) influencent aussi son écriture : n’est-ce pas un passage sur le Déluge dans la Bible quilui donne l’idée de cette terre à moitié engloutie par les eaux et de cet univers de post-création qui est celui de Fin de partie ? On retrouve dans le dernier soliloque de Hamm un vers de Baudelaire (« Tu réclamais le soir ; (…) Il descend : le voici », p. 109, extrait du poème « Recueillement », des Fleurs du mal de Baudelaire), et sans doute la lecture du théâtre racinien, et en particulier deBérénice (où Racine écrit notamment dans la préface : « Toute l’invention
consiste à faire quelque chose de rien »), a-t-elle aidé Beckett à tirer tout le parti possible « du monologue et d’une situation pratiquement statique où les personnages vivent dans un monde fermé sur lequel le changement n’a guère prise »27.

Ses lectures de ces années-là (la Genèse, Baudelaire, Racine) influencent aussison écriture : n’est-ce pas un passage sur le Déluge dans la Bible qui lui donne l’idée de cette terre à moitié engloutie par les eaux et de cet univers de post-création qui est celui de Fin de partie ? On retrouve dans le dernier soliloque de Hamm un vers de Baudelaire (« Tu réclamais le soir ; (…) Il descend : le voici », p. 109, extrait du poème « Recueillement », des Fleurs du mal deBaudelaire), et sans doute la lecture du théâtre racinien, et en particulier de Bérénice (où Racine écrit notamment dans la préface : « Toute l’invention
consiste à faire quelque chose de rien »), a-t-elle aidé Beckett à tirer tout le parti possible « du monologue et d’une situation pratiquement statique où les personnages vivent dans un monde fermé sur lequel le changement n’a guère prise »27.

Lisezdans la Bible, le chapitre II du livre de la Genèse, intitulé « Le Déluge ».
Lors de la première partie de la rédaction de Fin de partie, Beckett relisait la Genèse et se disait fasciné par la figure de Noé, ce vieillard de six cents ans à qui Dieu a confié pendant les quarante jours du Déluge qu’il fait pleuvoir sur terre pour en exterminer une humanité corrompue, de gouverner une arche danslaquelle il a enfermé un couple de chacune des races d’animaux vivant sur la terre. Comme le Dieu de la Genèse, et comme Noé, si Hamm désire qu’il pleuve, c’est pour voir le monde se régénérer, mais tout dans Fin de partie dit qu’aucune création n’est possible, sauf celle qui consiste à théâtraliser
une situation irreprésentable.

Beckett présente finalement une création menacée. On sait…