Crise des « subprimes » : si vous n’avez toujours rien compris…
Par Mr Greed
Créé 09/03/2008 – 20:15
C’est un témoignage venu de l’intérieur du système financier. Mr Greed [1], trader, démonte, pour Rue89, la mise en place de bulles spéculatives liés à aux prêts immobiliers à risque (les « subprimes ») qui ont commencé à exploser l’an dernier aux Etats-Unis, et qui plombent aussi les résultatsdes banques européennes
Après la remise du rapport Ricol [2] sur la crise financière ce mardi au président de la République, peut-on espérer que l’éthique revienne sur le devant de la scène financière ? Ses propositions seront en tout cas discutées au conseil informel des ministres européens des Finances la semaine prochaine à Nice.
C’est un rapport très sévère contre les banques et l’ensembledu système financier, responsable selon son auteur, d’une crise sans lien originel avec l’économie réelle.
Un système fondé sur le toujours plus
L’économie capitaliste tourne bien quand il y a du charbon dans la chaudière, c’est-à-dire quand les ménages consomment et les entreprises produisent, et que les ménages consomment encore et toujours plus, etc. Et que ce cycle ne s’arrête jamais.
AuxEtats-Unis, les banques ont décidé d’embarquer tout le monde, même les plus fragiles, dans le train de la dépense : acheter des voitures, des maisons, de tout ce que vous voulez. Vous n’avez pas l’argent ? Qu’à cela ne tienne : on va vous faire un crédit aux petits oignons, en tordant un peu le mode de calcul de votre capacité de remboursement.
Quand une banque estime la capacité de remboursementd’un ménage en fonction de son revenu disponible (approche de « trésorerie »), elle prend un risque sur la baisse des revenus (perte d’emplois, etc.) de son client.
Quand elle estime la capacité d’endettement d’un ménage non pas en fonction de son revenu disponible, mais en fonction de son patrimoine (approche « patrimoniale »), elle prend un risque sur la conjoncture globale.
Prenons un exempleillustrant cette approche patrimoniale :
1. J’achète une maison et je m’endette à taux révisable avec un délai de grâce de deux ans (je ne commence les remboursements que dans deux ans). Mon crédit est adossé à une hypothèque sur la maison qui vaut 100.
2. Deux ans plus tard, je commence à rembourser, et comme les taux d’intérêt ont monté, je me retrouve au maximum de ma capacité deremboursement, c’est-à-dire que tout mon revenu disponible passe dans le remboursement de mon crédit immobilier. Pourtant il faut vivre (nourriture, déplacement, équipement etc…).
3. Dans l’intervalle, le marché immobilier a grimpé en flèche et ma maison dont la valeur était de 100, est maintenant estimée à 130. Ma banque accepte de réévaluer mon hypothèque et m’accorde un créditsupplémentaire. Ce crédit supplémentaire est lié à ma nouvelle situation patrimoniale.
4. Comme mon revenu disponible n’a pas changé, très vite je ne peux plus faire face à mon endettement et je stoppe les remboursements sur l’un ou l’autre de mes crédits.
Aux Etats-Unis, l’endettement des ménages (par l’approche patrimoniale) a été poussé au maximum par les banques, et facilité par des politiquesmonétaires et budgétaires très accommodantes. A la fin 2007, l’endettement des ménages américains dépassaient très largement leur revenu disponible, et nombre de foyers ne pouvaient plus faire face aux remboursements.
Tous ces crédits représentent une masse de créances énorme. Du coté des banques, ces créances ont été regroupées puis « titrisées » [on en a fait des titres échangeables sur les marchés,ndlr] et vendues un peu partout, diffusant dans le système financier mondial une masse considérable de titres toxiques.
La diffusion aux hedge funds
On peut imaginer le circuit simplifié suivant pour illustrer la diffusion :
1. La banque accorde un crédit
2. La banque titrise cette créance
3. Elle vend le titre à un hedge fund [3] [un fonds d’investissement à risques, ndlr]…