Un jour il fait toujours beau puis un jour il est tous les jours cinq heures.
Cinq heures quand je me lève le matin, cinq heures qui nous séparent, de trop, de plus ? Cinq heures en tout cas. Cinqlongues heures, celles du silence, celle de l’échec, bien creuses. Cinq heures à en devenir fou. Et si tu veux mon avis, il pourrait bien être six heures ça ne changerait rien.
Mais quand il seratoujours six heures j’espère que je serais partie. On reste toujours trop longtemps. Moi, je reste trop longtemps. Je cherche des raisons pour ne pas constater mon échec, pour ne pas voir que toi t’esmort, que ceux d’avant sont morts, et que vous êtes tous morts pareil, partis, finis. Je pense à la suite, la solitude, la dépression, l’hiver sans toi, à quoi ça ressemble, je sais même plus. Tous lesautres hivers, ça va, mais celui là, celui d’après la Sicile, la terre brûlante, Taormina, les trains et Giardini Naxos, à quoi il rime sans toi ?
Depuis quand je ne t’aime plus ? Peut-êtrelongtemps. J’ai commencé par ne pas t’aimer, parce que j’en aimais un autre et que je pensais ne pas avoir assez d’amour pour vous deux. Mais je t’ai aimé. Putain, qu’est-ce que tu as été beau.
Tes jeansétaient troués tout le temps, tes yeux c’était comme Georges Bataille. Tu me faisais penser aux Cyclades, à toute cette beauté immuable, cette beauté insulaire et envieuse qui conserve précieusementses perles et consume tout sur son passage, ô toi tyran de Sparte, ô toi Carthage, monarque bleu, prince de tous les Orients.
Et toi qui m’aimes encore tous les matins du monde, moi aimée deCarthage, moi Diane pêcheresse. Dans ma vie qui rétrécie. Je ne vois que ton bleu. Clément était rouge mais toi tu es bleu et le bleu dure toujours. Alors pourquoi cinq heures. Pourquoi cinq heures tous lesjours maintenant.
Je pense à toi dans le Teide, l’été dernier, été de tous les siècles que tu avais vaincus en six mois. Toi dans les volcans éteints, toi plus corrosif qu’eux, corrosif de bleu,…