Amorce d’histoire littéraire
Le contexte politique et religieux au XVIème siècle
Nous sommes au XVème siècle. Dans le texte de Rabelais, le géant Gargantua écrit à son fils et évoque le Moyen Age, ce temps « ténébreux et sentant l’infélicité et calamité des Goths, qui avaient mis à
destruction toute bonne littérature »
Pour les hommes de cette fin du siècle et pour ceux du siècle suivant,le Moyen Age c’est donc une
époque obscure, celle des cathédrales gothiques, leurs gargouilles, leur ignorance… Disons le tout de suite, cette vision du Moyen?âge est hautement contestable, elle est une vue de l’esprit de l’époque, et ne résiste pas à l’analyse de ces siècles qui furent particulièrement riches. C’est cependant un leitmotiv des auteurs français de l’époque que l’on ne peut ignorer.Tout commence en Italie, les monuments romains, trace visible du passé, mais aussi la conjoncture
économique, très positive, facilitent la réémergence des arts antiques. Dans ce contexte confortable, des
savants, des artisans et des commanditaires fortunés (des mécènes). Pour ces derniers, le fait d’encourager l’art n’est pas qu’une démarche financière : beaucoup sont calés en esthétique,d’autres le font pour raisons religieuses. La chute de Byzance et le péril Turc entraînent également une affluence de lettrés qui ramènent dans leurs valises des manuscrits que l’on croyait perdus et que français et italiens considèrent comme de véritables trésors d’érudition. Au gré des voyages et des échanges commerciaux, le phénomène s’étend en Europe, et arrive en France vers 1515, soit au début duXVIème siècle.
I – Une période d’euphorie intellectuelle
C’est une véritable force politique et idéologique qui se lève alors, et ce dans tous les corps de la société : église et hommes d’états comptent leurs hommes de la Renaissance. François Ier, alors roi de France, frère de Marguerite de Navarre (qui écrivit l’Heptaméron), le comprend très bien et décide de mettre en place une véritablepolitique culturelle en France.
Ses ambassadeurs ont pour mission de gérer les affaires ordinaires de l’état, mais aussi de débaucher
artistes, écrivains, penseurs qui pourront donner à la France un éclat supérieur à celui de cette Italie si
admirée. Il fonde notamment le collège Royal, qui deviendra l’actuel collège de France.
Pour les lettrés de la Renaissance, le Moyen?âge a étouffé leslumières de l’antiquité, perçue comme un âge d’or riche en enseignements. Le latin ecclésiastique en vigueur n’est qu’un jargon abâtardi, bien loin de la richesse du latin cicéronien. Dès lors, un seul mot d’ordre va dominer : « retour aux sources !». Le premier humanisme français est donc un humanisme qui s’appuiera avant tout sur la philologie : l’étude du langage. Dictionnaires, éditionscritiques, traductions vont se multiplier, alors que quelques grands savants se mettent à dispenser un enseignement en latin et grec auquel assistent des foules toujours plus nombreuses. Au centre de tout, les lettres. Mais pas n’importe quelles lettres : les lettres antiques, profanes : ce qu’on appelle les humaniores litterae, qu’on pourrait traduire par « humanités ».
L’intellectuel de la renaissanceest donc, en ce sens, un humaniste. Le mot « humaniste » ne lui est
cependant accolé qu’à posteriori, par le XIXème siècle. Ce goût du retour à la « vérité » s’exerce aussi dans le domaine historique avec l’essor de sciences comme l’épigraphie ou l’archéologie, mais aussi en
mathématiques. De nombreux travaux sur la proportion ou la perspective sont alors réintroduits en
peinture.
GuillaumeBudé, dont une illustre collection de textes antiques traduits porte encore aujourd’hui le nom, est une des figures marquantes de cet humanisme philologique. D’abord avocat, il s’intéresse aux belles lettres à l’âge de 21 ans. Reprenant les textes antiques, il s’attache à les rétablir dans toute leur pureté, les débarrant des gloses des commentateurs. (Rabelais, plus imagé que moi, pour parler…