Il n’y a pas d’amour heureux

Commentaire littéraire du poème « Il n’y a pas d’amour heureux » de Louis Aragon

Introduction
Les poètes ont brodé d’innombrables variations sur le thème universel de l’amour : l’attente, le désir, la rencontre, etc. Pour sa part, Louis Aragon a choisi dans « Il n’y a pas d’amour heureux », poème écrit durant la deuxième guerre mondiale et paru dans La diane Française en 1946, de chanterl’amour malheureux à travers la douloureuse relation de l’homme à sa vie.
Il est à noter que la poésie de Louis Aragon fut profondément marquée par l’amour d’Elsa, la femme de sa vie, ainsi que par l’amour de La France qui vivait sous l’occupation allemande, période pendant laquelle « il n’y a pas d’amour heureux » voit le jour.
Ce poème lyrique aux vers alexandrins, se compose de cinq strophesavec un effet de refrain donné par la répétition du vers « il n’y a pas d’amour heureux ».
La question est de savoir comment à travers son comportement lyrique le poète nous présente sa conception de l’amour.
Nous entendons par comportement lyrique selon l’usage qu’en fait André Breton, l’expression de la volonté de placer le lyrisme dans une perspective qui déborde le champ littéraire et de leconsidérer comme une attitude générale à l’égard de la vie.
Nous avons donc prévu pour répondre à cette question les parties suivantes :
I- La vie de l’homme

1-Un bonheur insaisissable
2-Une vie incertaine

II- L’amour, source de malheur humain
1- Une tonalité mélancolique
2- Un malheur perpétuel
III – Du lyrisme personnel au lyrisme national
1-Pour l’amour d’unefemme
2-Pour l’amour de la patrie

Développement :
I- La vie de l’homme
Le poète commence par donner sa vision générale de la vie humaine. Selon lui le bonheur de l’homme ne lui est jamais accessible et sa vie est absolument incertaine.
1- Un bonheur insaisissable
Crûment, le poème débute par une phrase négative à la forme passive. Celle-ci commence aupremier vers et déborde par un enjambement jusqu’à la césure du deuxième vers. Rien n’est jamais acquis à l’homme, dit-il, ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur. La fonction syntaxique à elle seule, du mot « homme » dans cette phrase, celle de patient, bien entendu, traduit l’incapacité de l’homme à comprendre son existence et à acquérir son bonheur. Le même effet est rendu par le même procédé audeuxième vers de la deuxième strophe « ces soldats sans armes qu’on avait habillés pour un autre destin ». Par ailleurs, l’anaphore consistant en la répétition du mot « ni » montre que tout échappe à l’homme. La négation, quant à elle, « rien n’est jamais acquis à l’homme » rend absolue cette vision du poète de l’impuissance de l’homme face à l’acquisition du bonheur. Un bonheur souvent procurépar l’amour symbolisé par le mot « cœur » repris deux fois dans le poème.
Le bonheur est un idéal inatteignable certes, mais il est aussi une illusion, quand il se présente à l’homme. Au moment où il se rapproche de l’instant de son bonheur, il le réduit à son insu et se réduit lui-même à l’état d’ombre. Cette réduction du bonheur humain est suggérée par la métaphore: « et quand il croit ouvrirses bras, son ombre est celle d’une croix ». L’ouverture des bras de l’homme pour accueillir le bonheur prend la forme d’une croix, symbole de supplice et de châtiment. Soudain le bonheur se transforme en malheur. D’où vient donc cet état « étrange » ?
2- Une vie incertaine
Si l’homme n’est jamais satisfait dans sa quête du bonheur, c’est que sa vie est incertaine. Telle est la conceptionqu’a le poète de l’existence humaine. La comparaison de la vie aux soldats sans armes souligne effectivement ce caractère douteux de la vie. « Sa vie elle ressemble à ces soldats sans armes qu’on avait habillés pour un autre destin ». La vie de l’homme est incertaine comme l’est celle d’un soldat impuissant qui ne sait s’il survivra ou s’il mourra. Cette conception de la vie hasardeuse est…