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L’entreprise sans hiérarchie, ça marche !

Supprimer les échelons hiérarchiques et les petits chefs, pour responsabiliser les salariés. Jean-François Zobrist a revu l’organisation de la fonderie Favi : ses ouvriers travaillent pour leurs clients et non pour leur supérieur hiérachique.

C’est un ovni nommé Favi, une usine de fonderie atterrie au milieu d’un champ, dans la campagnepicarde, à Hallencourt.
Aux commandes du vaisseau depuis 1971, Jean-François Zobrist, un extraterrestre visionnaire. Constatant qu’il n’y a pas de performance sans bonheur, et pas de bonheur sans responsabilité, il a décidé de lâcher la bride à ses ouvriers et de supprimer les échelons hiérarchiques.
« Sur la production, pas de structure verticale, avec une multitude de « petits chefs » s’arrogeant lepouvoir, mais une organisation aplanie, dans laquelle chacun travaille pour le client et non pour son supérieur », résume le chef d’entreprise.
« Des consultants, des écoles de commerce, des journalistes demandent souvent à nous rencontrer, explique Nathalie Laplaud, cadre multicasquette, chargée d’accueillir ces visiteurs d’horizons divers. Certains n’attendent qu’une chose : trouver lafaille. »
Le système Favi dérange, en effet, tant il sort des codes en vigueur sur la planète management…
Trois règles de management piochées chez Favi
1.Le discours « simple et plaisant » Chez Favi, on chasse le « jargon de caste », on vulgarise le discours pour le mettre à la portée de tous les salariés. Quitte à user de métaphores à faire bondir une féministe.
Exemple : « les quatre principesde la pute », pour expliquer la démarche qualité (la pute se montre et racole, la pute se maquille, la pute a une spécialité, la pute ne file pas la chaude-pisse à un client).
2.La suppression des tâches inutiles Aucun salarié ne peut être heureux s’il est employé à contrôler des hommes ou à entrer des chiffres dans des tableaux. Chez Favi, lorsqu’on trouve quelqu’un dans cette situation, on lelui dit, puis on le laisse trouver lui-même de quoi s’occuper intelligemment. Pour info : l’ensemble du personnel administratif de Favi (achats, compta, paie…) se résume à… cinq salariés.
3. Les surprises pour faire plaisir Chez Favi, on aime casser la monotonie : on réalise les voeux des enfants des salariés à Noël, on attribue par tirage au sort les anciennes voitures de fonction… Maisattention à ne pas répéter la même surprise trop souvent, sous peine qu’elle ne devienne un « dû ».
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Mini-usine et liberté du « comment »
L’atelier se découpe en mini-usines (mini-usine Fiat, par exemple), destinées chacune à servir un client, principalement des industriels de l’automobile, pour qui l’entreprise fabrique des fourchettes de boîtesde vitesse.
« Chaque ouvrier sait donc pour quel client il travaille, assure Jean-François Zobrist. D’ailleurs le commercial a aussi sa place au milieu de la mini-usine de production, de sorte que clients et ouvriers sont constamment en contact par son intermédiaire. »

Le « leader » de chaque mini-usine, ancien ouvrier expérimenté, n’impose pas de directives à son équipe sans en expliquerl’origine, le « pourquoi ». Il les laisse en revanche libres du « comment ».
« Cela m’a naturellement conduit à proposer des petites améliorations sur ma machine », explique un opérateur. Quant à la cadence, on est loin des Temps modernes puisque c’est l’ouvrier qui décide du tempo. Fixez un nombre de pièces à atteindre par heure, et il ne cherchera jamais à dépasser l’objectif, de peur que saprouesse ne devienne le nouveau quota de référence !
Laissez-le surfer sur son propre rythme et la productivité montera en flèche. Le leader occupe surtout une fonction d’assistance. A quoi servirait une fonction d’encadrement dans la mini-usine ? A contrôler et transmettre en haut lieu les différents indicateurs de production ?
Oui mais, chez Favi, la direction garde juste un oeil sur le prix…