, interventions de : * Edouard Lynch, l’usage de « l’action publique » face aux manifestations paysannes au XXe siècle : réinventer l’arrangement ?; * Nicole Chambron, l’accès au droit et à la justice des populations de Guyane ; * Jean-Philippe Martin, actions illégales, médias et recours à la justice : des nécessités pour un syndicat minoritaire ? * Pauline Chaintrier, les rumeursordinaires dans les campagnes au XIXe siècle : un instrument de régulation sociale |
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L’action publique est engagée au nom de la société puisqu’elle vise non pas à réparer un préjudice personnel mais à réprimer un trouble à l’ordre publique. Dans le cadre de procédures engagées suite à des troubles à l’ordre publique on assiste souvent à une très forte adaptation du droit,c’est-à-dire à des « arrangements ». Les exemples développés ici concerneront les manifestations paysannes des années 1950-1960.
Même si des actions similaires avaient déjà été observées dans les décennies précédentes, les premiers « vrais » barrages routiers datent des années 1950 et sont généralisés dans le midi viticole au cours des manifestations d’août 1953. Le préfet, dans l’intension de justifierles faibles poursuites, insiste alors sur la dimension folklorique de l’action. Le barrage ne serait qu’une mise en scène de la collectivité villageoise. Le mois suivant, la technique est réutilisée par les fédérations Sud-ouest de la FNSEA mais l’approche des autorités n’est plus du tout la même. Une note du cabinet du ministre fait d’ailleurs part de l’inquiétude de celui-ci face à l’indulgencedes autorités judiciaires et souligne la nécessité d’une plus grande fermeté. Cette indulgence était en partie liée à des lacunes dans le droit. La seconde moitié de la décennie voit néanmoins la lente élaboration d’un arsenal juridique plus adapté. Tandis que le droit est enfin adapté en 1958, les barrages prennent de nouvelles formes notamment dues à la diffusion du tracteur et ne sont plusqu’un instrument de la lutte parmi d’autres. En 1961 la réunion des procureurs généraux recommande l’absence de poursuites lorsque seules de brèves entraves à la circulation perpétrée sans violences « graves » sont constatées. La répression immédiate présente en effet le risque d’énerver un peu plus une population déjà sous tension. De plus une mise en détention provisoire est le plus souvent inefficacepuisque la pression de la foule permet la libération des prisonniers. Cependant la justice, par la présence de procès verbaux ou de faits graves, peut être obligée d’agir. Le long intervalle entre manifestation et enquête va dans le sens de l’abandon des poursuites. A titre d’exemple, en 1962 des poursuites contre les viticulteurs avaient été abandonnées pour ne pas compromettre le référendum àvenir. À travers cet exemple vient en partie d’être évoqué le premier des visages de l’arrangement. Il se fait au niveau de l’Etat par l’intermédiaire du procureur ou du préfet et a entre autre pour but de ne pas rompre le contact avec les syndicats. Dans le contexte de la manifestation des planteurs de tabac le 24 janvier 1962 il est possible de rajouter à ces motivations la peur de larécupération des poursuites par l’extrême gauche. Le second visage est syndical ; les syndicats ont un rôle fondamental, ce sont eux qui mènent les négociations et, présents par milliers devant le tribunal de Morlaix, ce sont les militants qui ont permis ma relaxe. Enfin, il ne faut pas occulter la question des parties civiles qui empêchent toute clôture de la procédure puisqu’il faut indemniser lepréjudice.
Au XXe siècle la justice est donc un instrument extrêmement flexible qui se plie aux exigences tant politiques que syndicales.
Quittons un instant la métropole pour la Guyane, petit département français de 200 000 habitants dont 6000 amérindiens. La Guyane est le théâtre d’un jeu de pouvoir entre les populations amérindiennes et les autorités françaises. Mais la situation n’est pas…