Commentaire composé : Baudelaire, Les Fleurs du Mal, XVII « La Beauté »
Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Le recueil fut l’objet d’un procès en août 1857 pour «offense à la morale religieuse» ainsi qu’à «la morale publique et aux bonnes mœurs». Baudelaire fut condamné à 300 francs d’amende et à la suppression de six poèmes — quiseront publiés dans le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d’être repris avec d’autres pièces de circonstance dans les Épaves. Cette œuvre majeure fut lentement mûrie par le poète qui, dès 1840, parle de ses «Fleurs singulières». Baudelaire avait fait plusieurs fois annoncer dans des revues la parution de son recueil sous les titres suivants: les Lesbiennes puisles Limbes. La première section, intitulée «Spleen et Idéal», est de loin la plus fournie (quatre-vingt-cinq poèmes): les textes, de manière interne ou dans les rapports instaurés avec les poèmes voisins, reflètent la dualité posée dans le titre. « La Beauté » fait partie de cette première section, et à travers la forme du sonnet, évoque la Beauté, comme motif d’inspiration pour le poète. Ils’agira de voir en quoi dans ce poème le poète fait de la beauté un idéal de quête poétique.
Nous verrons dans une première partie la figure de l’allégorie qui structure le sonnet ; puis, dans une seconde partie, la Beauté comme voie d’accès à l’Idéal ; enfin, dans une troisième partie, l’image développée du travail poétique.
I L’allégorie
A/ Système énonciatif
Voir tous les pronoms personnels :sujets (« Je » répété 8 fois), les pronoms possessifs, les pronoms réfléchis. La Beauté parle dans le poème, chose assez originale dans la poétique du XIX°s et qui renvoie plutôt à la poésie médiévale et aux allégories. La Beauté est allégorisée ici car elle acquiert un statut d’humain.
B/ Les attributs de la beauté
Voir le 2nd quatrain :
reprise des mythes anciens : le Sphinx ; des catachrèses : lecygne comme parangon de la pureté
une résolution des antagonismes : elle ne pleure ni ne rit. Elle est au-delà des oppositions structurant la pensée humaine.
Résiste au temps : elle est éternelle et muette comme la matière. Ces attributs la parent de toutes les grâces
C/ Un absolu
l’éternité de la Beauté : conception néo-platonicienne. Elle résiste au temps, et devient idéelle, pour reprendrele parcours philosophique de Platon. Peu importe l’époque, l’idée de la beauté subsiste, et les poètes tentent de l’approcher, peu importe la conception qu’ils s’en font (cf. derniers vers). Elle semble d’ailleurs être immortelle (cf. vers 1)
Elle inspire l’amour aux poètes : la relation entre le poète et l’objet de sa quête est donc de nature amoureuse. C’est un moyen de comprendre que lafigure de la femme en poésie n’est jamais qu’un avatar de cette idée de Beauté. Les poètes deviennent « dociles amants »
La Beauté se présente donc comme un absolu. En cela, elle figure dans l’antagonisme qui compose le titre du recueil du côté de l’Idéal.
II La Beauté comme voie d’accès à l’Idéal
A/ La Beauté comme magnification du travail poétique
La Beauté donne au travail du poète une grandeurinégalée :
un absolu de grandeur : « je trône dans l’azur ». Image d’une personne en majesté. Voir le terme « azur » qui dans ses deux premières lettres embrassent tout l’alphabet
un absolu de gloire : vers 9/10
un poème ascensionnel : la beauté comme Idéal supra-terrestre. Evoque le travail du poète comme une montée vers l’Idéal, et non une descente vers le Spleen.
B/ Une résolution desdifférends amoureux
un amour à deux : le premier quatrain évoque un échange amoureux entre la Beauté et le poète qui semble accepté de tous deux
la fascination : les poètes semblent esclaves, asservis à la Beauté, qui reprend ici le rôle de la femme aimée traditionnelle en poésie. Néanmoins, la Beauté, contrairement à la femme généralement chez Baudelaire, n’amène pas le poète à une déchéance….