La cerisaie

La cerisaie ou une façon de disparaître
Article de George Banu écrit en 1986
Sur la mise en scène de Il GIARDINO DEI CILIEGI de Tchekhov, qu’on connaît sous le nom de La Cerisaie, dans une mise en scène de Giorgio STREHLER et les décors et costumes de Luciano DAMIANI au PICCOLO TEATRO de Milan, le 21 mai 1974..
Nous allons suivre les grandes parties de l’article :

Les aubes tchekhoviennesen Italie
Tchekhov est découvert en Italie et en France au lendemain de la première guerre mondiale, son œuvre s’impose surtt en 1933 grâce a la mise en scène de la C à Milan par Nemirovitch-dantchenko. En 1947, il sera mis en scène par Orazio Costa avec Sarah Ferrati ds le rôle de Lioubov (elle rejouera ce rôle dans la mise en scène de Strehler). C’est en 1952 que Tchekhov est reconnu et obtientun succès public ac Les Trois sœurs dans une mise en scène de Visconti. Il devient alors auteur de référence pour les metteurs en scène. Stanislavski l’a dirigée pour la première fois du vivant de l’auteur, en 1904, puis Jean–Louis Barrault, dans les années 50 ; Giorgio Strehler, le metteur en scène du Piccolo Teatro de Milan, et Peter Brook, pour ne citer que les plus grands, sont des référencesincontournables.
Dans sa mise en scène, Strehler entend développer la quête d’un réalisme poétique au delà des préoccupations courantes du réalisme russe : il s’agit en d’autres termes d’y incorporer le rêve et l’imagination, mais dans une certaine simplicité, voire une modestie de l’expression théâtrale qui se réclame de l’esprit de l’école française.

Strehler rencontre Tchekhov
Apres avoirachevé la mise en scène de la C, qui lui aura pris plusieurs années, Strehler choisit en 1959 de représenter une œuvre de jeunesse de l’auteur, moins aboutie, qu’il intitule Platonov et les autres pr montrer les extrémités de l’œuvre tchekhovienne, permettant ainsi de cerner davantage la double influence de Gorki et Brecht chez Tchekhov.
Strehler se concentre ensuite sur les auteurs Goldoni etBrecht, le tchekhovisme se disperse dans l’œuvre de Strehler avant de connaître sa cristallisation dans la seconde mise en scène de la C qui prône alors le gout du beau, l’exhibition de la tristesse, le retour de l’émotion et du refoulé, sans réserve ni censure.
Certains critiques et metteurs en scène contemporains ont vu dans La Cerisaie la peinture d’une époque, les signes d’une révolution enmarche, attribuant à Tchékhov des pensées qu’il n’avait sans doute pas ou qui n’auraient pu naître qu’en 1917. Il est mort avant, la même année que la publication de cette pièce, en 1904. Que savait-il donc? Que voyait-il ? Giorgio Strehler refuse pour sa part ce parti pris contextuel et dit de cette pièce que son essence est contenue dans trois boîtes chinoises qui entrent les unes dans les autres.Elles contiendraient simultanément : « la vérité ou la réalité, le sens de l’Histoire et le sens de la vie ». Pour Strehler, isoler une de ces trois dimensions serait commettre une erreur et il recommande de les affronter toutes les trois à la fois.
La cerisaie
Unité et insularisation
Dans une lettre, Tchekhov écrit : « Dans ma tète elle est déjà achevée. Elle s’appelle LaC, quatre actes ; aupremier acte on voit à travers les fenêtres des cerisiers en blanc, un jardin tt en fleurs, un jardin tt en blanc. Et des dames en robe blanche. » Puisque tte mise en scène s’inspire d’une intuition première, (intuition du climat, de la tonalité, de la matière, Strehler envisage alors une C dominée et homogénéisée par le blanc, ce sera le leitmotiv de la pièce. Le blanc assure une unité de climat,puis d’esprit ->les êtres en blanc et le décor en blanc finissent par s’assimiler les uns aux autres, ils se confondent sur ce fond de blancheur qui estompe les identités. Le désir d’homogénéisation de Strehler est telle qu’elle crée bien souvent des incohérences, et se fait parfois en dépit de certaines contraintes réalistes exigées par les événements, en opposition avec le réalisme russe….