La complicité était immédiate. Elle n’avait jamais cessé de l’être, en dépit des tourments du premier élan, de leurs vies disjointes, et du temps qui avait dévalé comme une source. Il y avait un réelplaisir à se trouver ensemble. Deux ou trois fois par an, il lui donnait ce plaisir et puisqu’il était partagé elle ne comprenait pas qu’il n’en eût pas davantage envie. Comment faites-vous pour vouspasser de moi ? disait-elle. Je pense à vous, disait-il, vous allez bien, je suis content, ça me suffit. Elle hochait la tête. J’ai longtemps pensé à vous, répétait-il souvent.
Ils s’amusèrent dela même manière qu’ils l’avaient fait des années auparavant. Il y a des moments qui se répètent, avec une cruauté qui vient précisément de ce qu’ils ne se répètent pas, et , surtout, de ce qu’ilsdissimulent : les destructions, les délitements, la flétrissure de tout ce qui vit, le froid vers quoi tendent les choses et les êtres, une sorte d’horreur incompréhensible et incontournable que pourraitêtre la vie, si nous ne tâchions pas d’oublier que nous mourrons.
Suivre l’admiration d’un regard….
Si elle avait pu prévoir à quel point il est possible à une femme d’être enfermée dans lecharme d’une voix et le souvenir d’un instant d’idylle. Comme si elle avait méjugé de cette fidélité féminine qui veut que la mémoire du corps et la présence intermittente d’un son suffisent à insérerl’immémoriale envie d’un homme très identifié, cela que peut-être on appelle l’amour.
Sa voix….
Il n’avait fait que la regarder, et parler avec cette voix qui était pour elle le chant des sirènes.Pas un acte. Seulement une texture feutrée qui murmurait comme on le fait sur l’oreiller, auprès de son aimé, le soir avant de s’endormir. Une voix d’alcôve qui n’avait pas cessé, malgré le temps, laséparation, et les refus, de l’inviter à l’amour.
Se rapprocher de lui à pas de femme…
A petit pas d’abord et répondant à son appel, à pas de géant ensuite. Alors elle était arrivée tout…