La corde à noeud

La corde à nœud

La nappe de brume qui se dégage des berges limoneuses de la Garonne est accentuée par les cours limpides et clairs du Peugue et de la Dévèze. L’édifice en construction, tel un hydre minéral, semble sortir des profondeurs de la terre. Comme enveloppé d’un linceul blanc confectionné dans une étole immaculée , le brouillard laisse uniquement apparaître le haut deséchafaudages en bois qui se tendent , toujours plus haut, vers le ciel.
En ce matin de février de l’an douze cent quatre vingt débute le gigantesque chantier de reconstruction du chœur de la cathédrale Saint-André ,consacré par le pape Urbain II, situé au cœur de notre capitale girondine.
Le jeune Paul , protégé des éclats par son tablier en cuir, s’affaire à la tâche. Il prépare méticuleusement lesoutils de son maitre nécessaire à la taille et au polissage de la pierre brute . Paul reconnu par ses pairs comme « lapin » porte un soin tout particulier quand à l’affutage des ciseaux.
Le jeune garçon est très impressionné par l’effervescence qu’il règne au cœur de ce chantier magistral. Dans ces yeux d’enfants , ces hommes en tabliers sont comme des fourmis géantes qui vaquent chacune à sestaches dans un sens et avec une énergie bien ordonnés dans le but commun de tutoyer les étoiles. Paul l’ignore encore , mais le prélat drapé de rouge entouré de serviles religieux , devant les blocs rocheux à tailler ,n’est autre que le pape bordelais Clément V , qui en ce premier jour , tient à superviser lui même son chef d’œuvre tout entier consacré à la dévotion chrétienne afin d’assoir sonpouvoir .
Au cliquetis du métal que l’on forge, s’ajoute celui de la pierre que l’on taille et du bois que l’on scie avec ardeur. Dans ce délicieux tintamarre , le jeune apprenti croie entendre son prénom :
« Paul ! Paul ! »
C’est un des compagnons du maître qui le hèle ainsi. Il tient dans sa main un étrange cordage et jamais auparavant du haut de ces douze ans il n’en avait vu de semblable.Curieux comme une pie et assoiffé de connaissances, le tout jeune « lapin » s’ose à questionner Jacques le compagnon sur ce brin de chanvre qui laisse apparaître comme des entrelacs.
« Compagnon Jacques ! Qu’est-ce là que vous posez à même le sol ?
ceci mon petit , c’est la corde des druides ! Elle nous vient de très loin . Quand tu auras atteint l’âge de la connaissance et que tu auras étéconsacré « chien » tu comprendras que ce lien nous est capital quand à l’ajustement des pierres et les angles que nous donnerons à notre cathédrale afin qu’elle s’élève vers notre Dieu tout puissant et miséricordieux . »
Les yeux pétillants , Paul s’affaira à exécuter les ordres du compagnon Jacques. Cependant son esprit vagabondait déjà parmi les méandres de cette corde bien mystérieuse.Plus de sept cents ans se sont écoulés depuis cette rencontre entre un apprenti maçon et cette corde à nœud et pourtant la magie autour de cette corde opère toujours et notamment dans nos temples maçonniques ou nous trouvons encore sa présence.
« ici, tout est symbole ! » par conséquent, si cette corde était nécessaire aux bâtisseurs médiévaux des cathédrales il semble qu’aujourd’hui elle reste unoutil actuel et nécessaire quand à la construction de notre temple intérieur.
Dès lors, au cours de notre analyse , nous attacherons à démontrer que la corde à nœud en général et les nœuds en particulier sont des pièces indispensables quand à la réalisation de notre pensée à l’intérieur comme à l’extérieur du temple.
Aussi , dans un premier temps, nous évoquerons comment la corde à nœud est unoutil essentiel dans la maçonnerie opérative (I) et comment dans un deuxième , il est devenu un symbole fort dans la maçonnerie spéculative et même au-delà (II).

Un outil de la construction opérative

A la lumière de notre introduction , nous avons pu constater que la corde à nœud est un outil indispensable à la construction de grands édifices. Un outil donc que…