Prise de vue
Étymologiquement, le terme signifie commandement par un seul. Dans la classification des types de gouvernements, formalisée par Aristote et considérée comme le modèle des classifications, la monarchie est une forme de gouvernement caractérisée par l’unicité du titulaire du pouvoir, mais aussi par l’exercice de ce pouvoir au bénéfice de tous. Le choix de ce critère par Aristote estimportant pour différencier la monarchie des autres formes de pouvoir unitaire. Ce n’est pas en effet la même chose que la tyrannie ou la dictature. Toutefois, le critère éthique d’Aristote ne correspond pas à la réalité : des monarques ont, dans une certaine mesure, exercé le pouvoir dans leur intérêt propre ou dans l’intérêt d’un groupe sans que l’on puisse parler d’une transformation de lamonarchie en tyrannie, selon l’idée d’Aristote qui considère la tyrannie comme le gouvernement d’un seul à son profit. On ne peut pas dire non plus que la tyrannie soit une forme dégradée de la monarchie : ainsi, dans les régimes grecs, la tyrannie qui, très souvent, a succédé dans les cités à la monarchie n’avait rien de particulièrement intéressé. De même, il était tout à fait abusif, en 1790, deparler de tyran au sujet de Louis XVI. On adopte généralement une autre distinction parmi les divers régimes où le pouvoir est exercé par un seul. La monarchie est une forme du pouvoir « réglée », c’est-à-dire organisée en fonction de principes et de normes qui ne dépendent pas d’elle. Ce qui caractérise la tyrannie ou la dictature, c’est l’absence de tout autre fondement que le fait lui-même,qu’il s’agisse de la force, de la contrainte ou de l’adhésion d’une fraction plus ou moins importante de la population exerçant elle-même la contrainte sur le reste. Il peut même y avoir une tyrannie populaire ou une dictature de la majorité : dans ce cas, le pouvoir n’est plus « monocratique », mais son caractère de contrainte factuelle subsiste. Le tyran grec a pris le pouvoir au cours d’une «révolution », et il l’a exercé, souvent au profit du plus grand nombre, selon des normes qu’il a établies lui-même, et parfois sans règle aucune.
La monarchie est donc le gouvernement par un seul obéissant à un système institutionnel. Ce système peut être extrêmement variable. Dans les monarchies les plus anciennes, il s’agit d’une certaine relation au sacré. Il semble que le régime adopté ait été dece type chez la plupart des peuples historiques les plus anciens, nos catégories n’étant guère applicables aux peuples protohistoriques : il n’y a pas de « monarchie » au sens propre chez les peuples de la période néolithique ou chez ceux qu’étudient les ethnologues. Il ne faut surtout pas dire que la monarchie a eu à l’origine un caractère « sacré » ou « religieux » : elle était comprise àl’intérieur d’un système d’interprétation du monde qui était sacré ou religieux. Il ne faut pas dire non plus que le roi « avait des pouvoirs religieux » ; c’est faire là une discrimination moderne. En réalité, le roi primitif exerçait ses fonctions politiques en tant que religieux et remplissait des fonctions religieuses en tant que politique. Il y avait non pas « catalogue » de différents pouvoirsmais interpénétration rigoureuse. Le roi était strictement lié par des règles d’origine divine ; il exerçait son pouvoir en fonction d’une « élection » divine, par exemple la monarchie en Israël, et selon un canon très précis, ainsi la monarchie égyptienne, aztèque, romaine. Ce pouvoir ne comportait ni toute-puissance ni arbitraire. La relation des rois à la divinité, exprimée dans des mythes, à lafois assurait le pouvoir et le limitait. Ainsi, pour la période la plus ancienne, la monarchie se différencie toujours de l’exercice d’un pouvoir de fait. Romulus, le conditor (fondateur), est un augure ; c’est un homme doué de pouvoirs charismatiques ; il établit la royauté et règne, assurément en fonction d’une élection divine, selon sa volonté. Il provoque chez les historiens latins une…