L’empire tsariste dans la fin du XIXème siècle et le tournant du XXème siècle assume de nombreuses contradictions. Est-il réformable ? C’est la principale question qui tend à se poser. De la réforme de fond entamée par Alexandre II dès 1861en passant par la volonté autocratique de Nicolas II dont le régime fut ébranlé par deux révolutions dont celle de 1917 qui causa sa perte, et même plus tardd’ailleurs, en 1953, lorsque Beria, le chef de la police soviétique, tenta de réformer et de libéraliser le régime (il fut évincé), sa volonté de libéralisation reprise plus tard par Khrouchtchev et Gorbatchev (à partir de 1984), chacun de ces pas en avant vers une ouverture à la société moderne fut clos brutalement. Avant de pouvoir se demander si la dislocation de l’URSS prolonge-t-ellel’effondrement de l’empire tsariste ou si au contraire 1917 serait une rupture totale dans l’histoire de la Russie, il convient d’abord de se demander si oui ou non la Russie, avant cette révolution qui fut la fin de la dynastie tri-centenaire des Romanov, et avant même la première guerre mondiale, pouvait être érigée au rang d’une « grande puissance ».
En d’autres termes, faut-il voir dans la chuted’Alexandre II et dans celle de Nicolas II une simple vérification de la fameuse expression de Tocqueville : « le moment le plus dangereux pour un gouvernement est celui où il commence à se réformer. Seul le génie peut sauver celui qui libère ses sujets après une longue oppression. », qui, appliquée à la Russie tsariste de la fin du XIXème siècle, pourrait prendre tout son sens ?
Lors d’une étudesuivie de l’histoire de la Russie depuis l’avènement d’Alexandre II en 1855 jusqu’à l’aube de la première guerre mondiale, nous verrons d’abord que le Russie pourrait apparemment être considérée comme une grande puissance nationale, suite aux trains de réformes de 1860-1864 notamment et à la modernisation du pays. Cependant, il serait peut-être hâtif de placer un pays en état de quasi-chaosintérieur au début du XXème siècle, au rang de puissance. Nous verrons donc dans quelle mesure la Russie peut-elle être apparentée à une grande puissance à la veille immédiate de 1914.
La Russie du milieu du XIXème siècle est essentiellement caractérisée par son régime autocratique et son retard flagrant en terme d’économie et de modernisation. Lorsque éclate le choc criméen de 1854, le pays commence àprendre conscience de ce retard. À le mort du tsar Nicolas Ier en mars 1854, c’est son fils Alexandre II qui lui succède, celui qui plus tard sera appelé la « tsar libérateur ». Or quand ce dernier accède au trône, tout est à construire ou reconstruire. En effet, malgré la signature d’un traité à Portsmouth en mars 1856 qui limite les pertes russes suite à la défaite de la Russie en mer Noire(elle s’en tire bien : ne perd aucun territoire, doit s’engager à ne pas mettre de bateaux dans les détroits, à ne pas convoiter la Méditerranée orientale, à renoncer à Constantinople), Alexandre II commence à mesurer l’énorme retard de son pays. Alors que la plupart des pays européens étaient en pleine révolution industrielle, la Russie elle ne tenait debout que grâce au « moteur » apporté par leservage. Presque aucun recensement n’était effectué, mais malgré la sous-estimation du nombre de femmes russes à l’époque, on savait que sur près de 70 millions d’âme, la moitié était serf. De plus, la Russie, si grand pays soit-il, n’était parcouru alors que de 1000 km de voie ferrée, son industrie sidérurgique ne disposait pas de moyens suffisants pour se développer, tout comme pour les bassinshouillers et miniers.
Alexandre II décide donc à son arrivée au pouvoir, d’entamer une profonde modernisation de son pays. Né à Moscou le 25 avril 1818, son éducation fut confiée à plusieurs personnages de haut rang dont le capitaine Mörder (qui lui donne une formation rigoureuse et militaire, à la prussienne) et le poète romantique Joukovski qui éveille en lui une sensibilité littéraire. Il a…