La vérité

SYNTHESE SUR LA VERITE

Qu’est-ce que la vérité ?
On peut entendre par là, selon les cas, la conformité de la pensée avec la réalité (« connaître la
vérité »), la conformité de nos paroles avec nos pensées (« dire la vérité »), ou encore la conformité
d’une chose à l’apparence qu’elle nous donne (« de l’or véritable »). Dans tous les cas, la vérité ne
doit pas être confondue avec laréalité. Elle n’est pas une chose, mais une relation : relation de
conformité ou d’accord entre nos pensées, nos paroles et la réalité. On peut, si l’on veut, parler plutôt
de « véracité », pour désigner l’accord de nos paroles avec nos pensées (le contraire du mensonge),
et réserver le terme de « vérité » à l’accord de nos pensées avec la réalité (le contraire de l’erreur).
Dans ce dernier cas, la «vérité » est essentiellement une propriété de nos jugements (ou des
énoncés qui les formulent), et non une qualité des choses elles-mêmes (le cas de l’or « véritable »
n’est qu’une exception apparente : la fausseté n’est pas dans la chose, mais dans le jugement que
nous portons sur elle).
Lorsque l’on demande, en effet, « Qu’est-ce que la vérité ? », on veut plutôt savoir ce qui permet de lareconnaître ou de l’identifier comme telle : on cherche alors un « critère » de la vérité. Mais comment
ne pas tomber alors dans un cercle vicieux ? Comment reconnaître la vérité d’un critère de vérité, si
l’on ne dispose pas déjà de lui ? Et comment pourrait-il y avoir un critère universel de vérité,
abstraction faite de son objet, si la vérité consiste justement dans l’accord d’une connaissanceavec
son objet, et ne doit donc pas en faire abstraction ? Le seul critère universel, purement formel, est la
non-contradiction, mais ce n’est qu’une condition nécessaire, et non suffisante, de la vérité. De là au
scepticisme, le pas est vite franchi, et d’autant plus aisément que la prétention à détenir la vérité peut
sembler une marque d’intolérance.
Mais peut-on si facilement renoncer àla vérité, et se contenter d’être sceptique ou relativiste ?
Si croire détenir la vérité peut être l’expression d’une attitude dogmatique, fermée au dialogue, et
pouvant conduire au fanatisme, la vérité est aussi un idéal qui anime la recherche philosophique ou
scientifique et possède une vertu critique indéniable6. Mais la vérité n’est pas seulement un idéal de
philosophe ou de savant : ellese manifeste à nous, parfois, lors d’expériences, comme celle de la
désillusion, qui nous font prendre conscience d’un mensonge ou d’une imposture, ou qui nous
révèlent des aspects de nous-mêmes qui nous étaient inconnus. Quel sens et quelle valeur faut-il
accorder à ces expériences de la vérité ? Faut-il en faire des figures de la vérité moins « vraies » que
celle à laquelle la science prétendnous faire accéder ?7 Faut-il au contraire distinguer plusieurs
formes irréductibles de « vérité », correspondant aux différentes modalités de notre rapport au réel ?
Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, distingue cinq manières d’accéder à la vérité : « Les états par
lesquels l’âme énonce ce qui est vrai sous une forme affirmative ou négative sont au nombre de cinq :
ce sont l’art, lascience, la prudence, la sagesse et la raison intuitive, car par le jugement et l’opinion, il
peut arriver que nous soyons induits en erreur »8. Remarquons tout d’abord que l’opinion est exclue
du domaine de la vérité proprement dite : elle peut sans doute être parfois vraie, mais peut aussi nous
tromper. Or, je ne peux me dire en possession d’une vérité, tant que l’erreur est possible. On peut,sans doute, « dire vrai » sans le savoir, mais on ne peut dire alors que l’on « sait la vérité ». Mais, et
c’est ce qu’il faut remarquer ensuite, le savoir ne se réduit pas à la science, et c’est ce qui permet de
comprendre que la science ne soit, pour Aristote, que l’une des cinq formes de manifestation de la
vérité qu’il distingue.
Enfin, ces cinq formes de vérités peuvent se réduire à…