La ville dans les affrontements religieux (époque moderne)

La ville et les affrontements religieux en Europe, 1500-1650

Même si tous les conflits ne tournent pas autour du contrôle des villes dans un monde largement paysan (comme la guerre des paysans le montre), celles-ci jouent un rôleclef comme enjeu, théâtre et laboratoire des conflits religieux. Les villes ont un semis architectural lâche et se définissent avant tout par leurs murailles,c’est-à-dire par la présence d’une juridiction propre, de pouvoirs. Les villes sont en effet des centres de pouvoirs. C’est ensuite à partir d’elles que la Réforme se diffuse. D’abord parce que le monde des artisans adhère massivement à la Réforme. Avec les artisans, ce sont les corporations, comme lieu de rassemblement et de prise de parole, qui jouent un rôle essentiel – d’où la suppression de certainescorporations à Augsbourg par Charles Quint en 1548 ou par Matthias à Francfort en 1616. Ensuite parce que les imprimeries vont jouer un rôle essentiel dans sa propagation. Des villes comme Augsbourg ou Magdebourg vont de ce fait d’emblée jouer un rôle-clef. Enfin, la Réforme a parfois ravivé un idéal communautaire civique. Permanences : La ville se pense comme un corpus christianum; une conceptionorganiciste des sociétés urbaines qui influe sur l’organisation des pouvoirs (modèle de la bonne ville en France qui tend précisément à s’éroder tout au long de la période). D’où deux préoccupations qui animent très souvent les systèmes rituels (ville théâtre) comme les politiques municipales : a) préserver l’unité civique ; b) maintenir l’ordre public. Or des nouveautés perturbent l’organisationpolitique et sociale des villes entre 15001650. La division des sociétés par le jeu des confessions rivales ou des dissidences religieuses occupe l’espace urbain et bouleverse les sociétés : publicisation et diffusion des idées nouvelles (l’imprimé) ; espace public et prédications ; assemblées de prière et lieux de culte qui posent le problème de la tolérance civile et celui de la liberté deconscience.

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Il faut toutefois souligner d’emblée la diversité du monde urbain. À une Europe urbaine, qui correspond plus ou moins à l’emprise urbaine de l’Empire romain, s’oppose une Europe moins densément urbanisée au Nord et à l’Est. Les villes sont ensuite très diverses par leur taille et leur poids économique. Diversité, ensuite, non seulement de la richesse urbaine et des structuressociales (à des villes dominées par un patriciat, telles Francfort sur le Main ou La Rochelle s’oppose des villes où les contrastes socio-politiques sont moins marqués), mais aussi du statut institutionnel des villes (échevinages et consulat, villes épiscopales, villes royales..). Celui-ci est particulièrement différentié dans le Saint-Empire. En 1521, la matricule impériale distingue 390 entitéspolitiques d’importance très variée : 50 princes-évêques, 83 prélats, 24 princes, 145 comtes et seigneurs divers, 85 villes libres d’Empire. Les villes libres sont dotées de l’immédiateté d’Empire, c’est-à-dire qu’elles ne dépendent que de l’empereur et non d’une principauté territoriale. Les villes médiates sont, elles, intégrées à une principauté territoriale (villes de résidence = capitales deprincipautés territoriales). Le statut de ces villes doit être confirmé à toute nouvelle élection impériale dans l’Empire – d’où les conflits qui se nouent à Francfort sur le Main sur la question de la publication des privilèges et du statut des juifs, un exutoire à toutes les tensions urbaines, lors de l’élection de Matthias en 1612. De nombreuses villes, en particulier au Nord du Saint-Empire,affirment à la suite des villes de la Hanse leur autonomie, même si elles ne sont pas des villes libres. Parmi elles, il y a Magdebourg, qui devient à partir du siège de 1550/51 par les troupes impériales un « lieu de mémoire » luthérien (Thomas Kaufmann). Le dernier élément de différenciation réside dans l’importance du territoire des villes. À des villes dotées d’un très vaste territoire, telle le…