Le conte fantastique

En définissant le récit fantastique, on songe tout d’abord aux thèmes originaux qui paraissent être liés croyerz moi on a envi plus que vou de le constitutivement au fantastique, tels que la magie, le spiritisme ou l’occultisme, qui alimentent le genre en sujets. J. Bellemin-Noël parle d’un nombre limité de thèmes, bien que chacun admette une infinité de variantes,et fait remarquer que lefantastique a tendance à ne durer que le temps d’un frisson.2 On constate universellement que le fantastique est un genre de courte haleine. Citons à titre d’exemple Pierre C a s t e qui est d’avis que ce sont « la brièveté et le naturel du conte » qui en font la forme la plus propre au fantastique.3 C’est que le genre fantastique a privilégié la forme du conte parce que le caractère de l’événementrapporté est en dernier ressort singulatif.4 Il pourrait sembler aussi que c’est un genre qui ne connaît pas de règles et qui se fait au hasard de la plume et de l’inspiration. Mais le récit fantastique n’apporte pas une histoire au déroulement contingent. Tout récit fantastique tient à sa vraisemblance, et c’est le souci de la vrai-semblance qui régit le choix de ses éléments constitutifs.5
Parailleurs, ce n’est pas grâce au critère purement thématique que l’originalité du genre est sauve. Si l’on est d’accord sur la définition du terme, et si l’on appelle fantastique un événement qui échappe apparem-ment à l’explication rationnelle et qui se produit dans le monde de notre connaissance, on serait obligé de considérer comme fantastique La Mille et deuxième nuit, qui ne l’est pas, parce quel’élément fantastique n’y est aucunement développé (il n’y sert que de formule d’introduction au récit
1 J.Bellemin-Noël, «La Littérature fantastique», in : Pierre Abraham, Roland Desné et al., Manuel d’histoire littéraire de la France, Tome IV, 1789—1848, IIe partie. Paris, Éditions sociales, 1973, p. 348.
2 J. Bellemin-Noël, op. cit., p. 340.
3 Pierre C a s t e x, Anthologie du contefantastique français. Paris, José Cortî, 1947, p. 8.
4 Terme emprunté à Gérard Genette (Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 146).
5 Cf. notre étude «La Vraisemblance dans le récit fantastique», in: Études romanes de Brno, XIV, 1983. p. 71—83.

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proprement dit), et de refuser Le Spectre qui l’est, malgré son explication naturelle. Tzvetan T o d o r o v, pour résoudre ce problème, parle del’hésitation du lecteur6 en tant que pierre de touche du fantastique. C’est-à-dire qu’il faut que le lecteur hésite entre l’existence du surnaturel et l’explication rationnelle. J. Bellemin-Noël, dans le même ordre d’idées, constate que le fantastique vit d’ambiguïté.7 Par conséquent, La Nuit du 31 décembre est considérée comme fantastique, parce que le lecteur est laissé dans l’incertitude; iln’apprend qu’à la fin que l’héroïne a été sous l’influence de l’opium. Le Club des hachichins et La Pipe d’opium ne peuvent pas l’être, parce que le lecteur est au courant, dès le début de la narration, de la cause de l’action insolite. Or, le critère thématique est loin d’être suffisant à lui seul pour la définition du genre, ou — comme le for-mule J. Bellemin-Noël — l’oeuvre n’est pas fantastique parson contenu, mais par sa forme.8
Pour définir celle-ci, plusieurs voies d’approche sont légitimes. Il y a tout d’abord le problème du langage, ou — pour reprendre les paroles de Todorov — celui de la lecture: la condition préalable du fantastique est celle de pouvoir exclure a priori toute lecture allégorique ou poétique du texte.9 Dans notre étude, nous voulons nous intéresser à l’aspectmorpho-sémantique, aux coordonnées principales pour le développement du su-jet, au temps et à l’espace, et en particulier à la catégorie essentielle sur le plan des actions, aux personnages.
Il est vrai que l’espace-temps du récit fantastique, comme celui de tout autre genre, présente un registre virtuel de situations qui sont des réalisations d’un schéma paradigmatique utilisé dans le plan du…