Commentaire d’arrêt de la décision n°2003-478 DC du 30 juillet 2003, Loi organique relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales
Le juge constitutionnel sous l’acte II de la décentralisation a consacré l’expérimentation dans le droit français. Le principe d’expérimentation permet aux collectivités locales d’exercer temporairement une compétence de l’Etat. En effet, lerecours à la voie expérimentale se justifie particulièrement dans les sociétés modernes, dans lesquelles le droit est confronté à la difficulté d’appréhender des réalités complexes et multiformes. L’État ne pouvant être omniprésent, il a plaidé pour une voie pragmatique qui permet, par le recours à l’expérimentation, de renforcer la légitimité de la norme, d’opérer une meilleure répartition descompétences des collectivités territoriales, d’instituer des outils de démocratie directe. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003, permet dorénavant aux collectivités territoriales et aux groupements de déroger à la loi, de manière expérimentale, pour un objet et une durée limités. Cette consécration n’a pas été facile, le juge constitutionnel souhaitant préserver l’unité de la république. Cerecours à l’expérimentation nous interroge sur l’importance donnée au principe d’unité et d’indivisibilité de la république et les moyens mis en œuvre par le Conseil Constitutionnel pour qu’il n’y soit pas fait atteinte.
I. La décision du 30 juillet 2003 s’inscrivant dans la logique d’une reconnaissance progressive du Principe d’expérimentation
A. La jurisprudence constitutionnelle initialementdéfavorable au droit à l’expérimentation des collectivités
Initialement, au droit à l’expérimentation des collectivités territoriales, s’oppose un obstacle constitutionnel, obstacle selon lequel les principes d’égalité et d’indivisibilité de la République sont incompatibles avec la mise en place d’une législation ou d’une réglementation différente sur une partie duterritoire. En effet, la constitution de 1958 impose dans son article premier l’application uniforme des lois et des règlements sur le territoire, un souci d’égalité des citoyens devant la loi et l’affirmation du principe d’unité et d’invisibilité de la souveraineté nationale, aboutissant à la centralisation des pouvoirs et à l’unification du statut des collectivités décentralisées, l’article 34dispose que les compétences des CT doivent être définies par la loi. Enfin, il est écrit à l’article 72 que le préfet « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. Le Conseil constitutionnel juge donc qu’il est impossible d’attribuer un pouvoir normatif autonome aux collectivités qui leur permettraient de déroger aux lois et aux règlements en vigueur. Avec ladécision du 28 juillet 1993, une « possibilité d’expérience » est enfin reconnue mais son cadre expérimental est tellement délimité qu’il ne peut raisonnablement trouver à s’appliquer. En effet, elle doit être précise quant à l’objet qu’elle concerne, elle est limitée dans le temps et dans l’espace et doit nécessairement faire l’objet d’une évaluation. Par ailleurs, cette possibilité d’expériencereconnue ne concerne que des « règles d’organisation et de fonctionnement» très précises qui ne s’apparentent qu’à une catégorie déterminée d’établissements publics: les établissements publics d’enseignement supérieur, dont sont exclues les collectivités territoriales. Le conseil constitutionnel, se prononçant par la suite sur une demande d’expérimentation législative ( loi de 2002 relative à lacorse) , estime que celle-ci est contraire à la constitution en ce que le parlement ne peut pas déléguer la compétence de faire la loi dans un cas non prévu par la constitution et manifeste son refus de dévolution de souveraineté aux collectivités locales en appliquant à la lettre l’article 3 de la constitution selon lequel« la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses…