Le jeu de l’amour et du hasard acte 1 sc.1

MARIVAUX, Le Jeu de l’amour et du hasard, Acte I, scène 1. |

Introduction : Analyser le coeur humain soumis au trouble de l’amour fut la grande passion de Marivaux (passion partagée par de très nombreux spectateurs, le dramaturge étant de loin le plus joué après Molière). La plus célèbre des comédies de Marivaux s’amuse à brouiller les cartes du destin pour mieux faire éclater le triomphede l’amour. L’échange entre Silvia et Lisette présente des enjeux cruciaux propres à toutes scènes d’exposition : faire entrer le spectateur dans l’illusion théâtrale, l’informer sur l’intrigue et le séduire dès les premières répliques.
La première scène présente un débat animé entre la maîtresse et la soubrette. Après un début in medias res, Silvia explique que le mariage lui inspire bien desinquiétudes.
Comment ces dernières répliques parviennent-elles à introduire des portraits dans une pièce ?

1) La fonction de Lisette dans le dialogue
2) L’argumentation de Silvia
3) Son illustration par des portraits.

La fonction de Lisette dans le dialogue.
Grande disproportion entre les répliques de Silvia et celles de Lisette. Quels rôles peuvent-elles donc avoir ?
En bondramaturge, Marivaux sait qu’il doit couper les développements longs qui pourraient être ennuyeux sur scène et difficiles à jouer. Les interventions de Lisette rendent les discours de sa maîtresse vivants et ennuyeux.
Répliques longues succèdent aux courtes. Alternance qui établit une hiérarchie. Montrer que posséder la parole, c’est posséder le pouvoir.
Rôle dévolu à Lisette : rôle comique.L’argumentation de Silvia pourrait paraître un peu rébarbative au sein d’une comédie. Lisette et son franc-parler sont là pour la comédie.
Vers 15 : « Quel fantasque avec ces deux visages ! » Cette réplique permet de présenter d’emblée l’un des ressorts comiques de la pièce puisque un double travestissement aura lieu (entre maîtres et valets). C’est ici une reformulation comique due à lasimplicité de la soubrette (cf v.13-14 « …qu’un masque qu’il prend au sortir de chez lui »).
Vers 21 : « Je gèle au récit que vous m’en faites » Ici Lisette file la métaphore de sa maîtresse tout en la rendant concrète. (cf v. 20 « …expirer de froid…)
Vers 30 : « un mari c’est un mari » Il s’agit d’une tautologie qui témoigne de l’étroitesse du raisonnement de la servante et donc de l’échec deSilvia qui ne néglige pourtant aucun moyen.

L’argumentation de Silvia.
Si Lisette = comique, ce n’est pas le cas de Silvia. Aux exclamations amusées de la soubrette, elle répond par une condamnation sévère et au ton grave. « Tu ne sais ce que tu dis ». Le tutoiement et l’aspect péremptoire du jugement laisse clairement percevoir la domination de la jeune fille. La brieveté de cette premièrephrase contraste avec la seconde beaucoup plus longue où est résumé l’essentiel de la thèse :
« Dans le mariage, on a plus souvent affaire à l’homme raisonnable qu’à l’homme aimable » Deux idées s’opposent ici en forme de chiasme. Figure d’autant plus expressive que les deux termes s’harmonisent sur le plan phonique (alors qu’ils s’opposent sémantiquement). Un visage plein de « douceur » etd’ « enjouement » pour la vie sociale et une « physionomie » « farouche » pour le cercle privé.
Pour accroître son autorité, Silvia fait usage de formules généralisantes qui ont forme de sentences « Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l’esprit ? » ou bien encore « Voilà ce que c’est que les hommes » et enfin pour clore les portraits « Songe à ce que c’est qu’un mari » :pluriels généralisants pour collectif anonyme et dépréciatif (« les hommes »).
De nombreux « je » ponctuent le dialogue ainsi que des pronoms « moi », « moi-même »… ? implication du personnage dans son discours.
A travers cette argumentation c’est le bonheur de toute une vie qui est en jeu.
Silvia utilise aussi le present à valeur de vérité générale.
Dans les portraits, plusieurs temps :…