Le jus cogens : notion de droit naturel ou de droit positif ?

DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Dissertation : Le jus cogens : notion de droit naturel ou de droit positif ?

Nicolas Pillet, groupe X-03

Notion propre au droit international public, le jus cogens fait désormais partie intégrante du vocabulaire du juriste international. Aussi appelé norme impérative, le jus cogens a été codifié sous l’article 53 de la Convention de Viennes sur le droit destraités du 23 juin 1969 aux termes duquel « une norme impérative de droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ». Le caractère impératif de la normede jus cogens se distingue du caractère obligatoire d’autres normes qui, à l’inverse du premier, peut être écarté par des exceptions conventionnelles. De plus tandis que le caractère obligatoire d’une norme n’est reconnu que par certains Etats, la norme de jus cogens est quant à elle, reconnue par la communauté internationale toute entière, même si, à l’instar de la France, tous les Etats ne sontpas partie à la Convention de Viennes de 1969. Il n’en demeure pas moins que des règles de jus cogens, telle que l’interdiction de la torture, sont unanimement reconnues. Le caractère innovant de ces normes de jus cogens, et la raison pour laquelle ces normes sont aussi qualifiées de « super-coutumes » pour reprendre les termes de P.M Dupuy, est qu’elles ont le pouvoir d’être supérieures à toutesautres normes ou obligations internationales[1] (engendrant ainsi la nullité de tout traité contraire à leur contenu[2]), et qu’elles ont vocation universelle, alors que similairement à d’autres normes de droit international de valeur inférieure, elles sont nées d’une coutume ou d’une opinio juris persistante. C’est cette opinio juris précisément persistante qui « en conférant, par surcroît, à unecoutume déjà établie, une qualité spéciale, un attribut particulier, destiné à pérenniser son intégrité normative »[3] permet la création de la norme de jus cogens. La question se pose désormais de savoir pourquoi de simples normes coutumières ont-elles évoluées jusqu’à devenir des normes impératives ? Si la communauté internationale s’est unanimement accordée pour protéger telles ou tellesvaleurs c’est qu’elle les considérait comme fondamentales au regard de l’intérêt commun ou encore de l’ordre public. A y regarder plus précisément ce sont surtout des valeurs touchant de près ou de loin aux droits de l’Homme comme par exemple le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (reconnu par la Charte des Nations-Unies et la jurisprudence de la Cour), l’interdiction du génocide (reconnu dans unavis consultatif de la Cour en 1951), le non recours à la force etc … etc … Jus cogens et droit fondamentaux de la personne humaines sont donc presque « intimement » liés. Ainsi il se pourrait que, bien que trouvant leur source dans le droit naturel (I), ces normes n’aient acquis leur force de jus cogens que grâce à l’intervention du droit positif qui, au travers de la reconnaissance par leshommes du caractère prédominant de ces normes et via leur diverses codifications sous différents textes, aurait permis à la communauté internationale d’adopter une position commune, forte, hissant ces normes au dessus des autres (II).

I – Le Jus cogens notion originaire du droit naturel…

Si on comprend aisément l’intérêt de protéger des valeurs fondamentales ayant trait à la protection desdroits de l’Homme (A), il faut se demander si ces droits existaient déjà de manière implicite ou s’ils sont apparus par le biais de l’activité humaine. Non pas jusqu’à aller remettre en cause la théorie jus naturaliste, il s’agit plus précisément de savoir si, bien que prônant des valeurs fondamentales, ces droits étaient déjà naturellement unanimement reconnus par la communauté internationale de…