BEAUMARCHAIS : LE MARIAGE DE FIGARO : ACTE III SCENE 16 : ETUDE D’UN EXTRAIT
Introduction :
Le XVIIème siècle a consacré la gloire de Molière, et fixé, avec Racine, les règles immuables de latragédie. Le XVIIIème siècle est marqué par l’activité philosophique et le théâtre suit ce changement de mentalité. Il s’offre comme une peinture sociale. La société est progressivement modifiée par desréalités économiques nouvelles. Ici, la cause des femmes.
Texte étudié :
BARTHOLO. Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable.
MARCELINE, s’échauffant par degrés. Oui, déplorable, et plus qu’onne croit ! Je
n’entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu’il est dur de
les expier après trente ans d’une vie modeste ! J’étais née, moi, pour être sage, et je lasuis devenue sitôt qu’on m’a permis d’user de ma raison. Mais dans l’âge des
illusions, de l’inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant
que la misère nous poignarde, que peutopposer une enfant à tant d’ennemis
rassemblés ?
Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !
FIGARO. Les plus coupables sont les moins généreux ; c’est larègle.
MARCELINE, vivement. Hommes plus qu’ingrats, qui flétrissez par le mépris les
jouets de vos passions, vos victimes ! C’est vous qu’il faut punir des erreurs de notre
jeunesse ; vous et vosmagistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent
enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul
état pour les malheureuses filles ? Ellesavaient un droit naturel à toute la parure des
femmes : on y laisse former mille ouvriers de l’autre sexe.
FIGARO, en colère. Ils font broder jusqu’aux soldats !
MARCELINE, exaltée. Dans les rangsmême plus élevés, les femmes n’obtiennent de
vous qu’une considération dérisoires ; leurrées de respects apparents, dans une
servitude réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en…