Le probleme du mal

‘Itinéraire d’un enfant mou’, ‘Le mal court’ ou ‘L’échec sied au héros’ : étude pour un sous-titre au roman de Heinrich Mann, Der Untertan
Richard PARISOT Maître de conférences Hors classe, EA3224, UFR SLHS, Université de Franche-Comté, Site de Besançon, 30 rue Mégevand, 25000 BESANCON, richardparisot [at]wanadoo.fr Le roman de Heinrich Mann, Der Untertan, a provoqué de multiples réactions et denombreux débats. Esthétisme infâme pour les uns, herbier de l’homme allemand pour les autres, l’œuvre s’est trouvée, plus tard, de façon plus ou moins directe, de nouveau au centre d’une réflexion sur l’autorité appliquée à l’Histoire allemande et sur l’influence du luthéranisme sur le comportement du citoyen (Untertanenmentalität) dans un monde fanatisé par le pouvoir et où la raison n’apparaîtplus que comme faiblesse. Nous nous proposons d’étudier, au-delà de la nature même de l’entreprise de l’auteur, les moyens qu’il utilise (surtout dans la composition de son personnage principal) pour mener à bien son projet politique et esthétique. L’écriture de H. Mann, souvent ironique, installe une distance qui peut devenir obstacle : le projet n’est-il un pamphlet ? Quelle(s) lecture(s)pouvons-nous raisonnablement faire de l’œuvre et plus particulièrement du personnage du sujet ? Heßling n’est-il qu’une marionnette dont l’auteur-narrateur tire les ficelles, a-t-il une identité propre ou n’est-il qu’un type possible de sujet ? Cette histoire d’un ‘enfant mou’ n’est-elle qu’un exemple ou fonctionne-t-elle comme un exemplum ? Dans ce roman, on reste dans une écriture aux codesrelativement traditionnels. La nouveauté se situe plutôt dans le ‘vide’ du personnage, dans l’ébranlement par l’auteur-narrateur de la permanence identitaire, cet espace où le lecteur peut s’introduire, tout en ayant la possibilité de s’appuyer sur une base dure (la vie concrète et détaillée dans son quotidien) du personnage. Diederich n’a plus la beauté des héros veules de Stendhal, il n’a peut-être plusnon plus l’excuse de la génétique des héros de Zola, il n’a pas encore le statut de héros étrangers au monde comme certains personnages de Steinbeck ou de l’étranger de Camus, par exemple. Mais on voit bien qu’une figure littéraire est née, qui fait le lien entre historicité et, non pas prophétie, mais modernité. Heinrich Mann’s novel Der Untertan has sparked many reactions and numerousdiscussions. While viewed as heinous aestheticism by some and as the herbarium of the German man by others, the novel has been the focus of considerations on authority as applied to German history and on the influence of Lutheranism on the behaviour of the citizen (Untertanenmentalität) in a world fanaticised by power and where reason is now seen only as weakness. Beyond the actual nature of the author’sundertaking, we intend to study the means that he uses (especially in the way he draws his main character) in order to achieve his political and aesthetic goal. Mann’s often ironic style brings in a certain distance, which can become a hindrance: is his intention to have a pamphlet? How are we to reasonably interpret the novel and more particularly the character of the subject? Is Heßling simply apuppet whose strings are pulled by the narrator, does he have his own identity or is he just one possible type of subject? Is this story about a “delicate child” just an example or is it an exemplum? This work is written in a fairly traditional way. The novelty lies more in the “emptiness” of the character and in the way the author shakes any

notion of a permanent identity, resulting in a spacethat allows the reader in, while still offering a solid foundation (the daily life of the character in all its detail). Diederich no longer has the appeal of Stendhal’s spineless heroes, and perhaps also no longer has the excuse of genetics that Zola’s heroes have. He does not yet have the status of heroes set apart from the world like some of Steinbeck’s characters or Camus’ outsider, for…