Lecture linéaire d’eluard

Lecture linéaire
Paul Eluard, « La poésie doit avoir pour but la vérité pratique », Deux poètes d’aujourd’hui, 1947
Paul Eluard, le poète « aimant l’amour » est considéré comme l’un des plus grands poètes du XXème siècle. Surréaliste, il est particulièrement connu pour son usage particulier de la comparaison, la création d’images inédites, originales, et pourtant toujours accessibles au lecteurnon initié. On peut citer l’une des plus célèbres : « La terre est bleue comme une orange ». Il est aussi un poète de l’amour, thème sans cesse chanté, revisité, glorifié dans ses œuvres.
Le poème étudié détonne un peu relativement à l’idée que l’on se fait ordinairement d’Eluard et ce, dès le titre. Voilà un poème manifeste, dans lequel Eluard semble vouloir assigner un rôle particulier à sonart.
En quoi le titre du poème est-il révélateur de l’ensemble du texte ?
Nous répondrons à cette question en proposant une lecture linéaire du texte, lecture linéaire qui nous parait plus pertinente qu’une lecture analytique ici.

Présentation générale du poème :

Le poème est en alexandrins libres (dodécasyllabes) et l’on peut clairement déceler deux mouvements opposés. Dans un premiertemps (v. 1 à 12), Eluard parle de la poésie amoureuse, lyrique, celle où le poète exprime ses sentiments personnels, toujours comprise et aimée par le lecteur malgré ses images déroutantes et ses obscurités et dans un deuxième temps (vers 12 à la fin) Eluard évoque sa conception de la poésie, qui s’éloigne des fonctions « traditionnelles » (chanter l’amour, la nature, produire des images). Leconnecteur « Mais » v. 12 semble constituer le pivot du texte. Cette structure binaire nous engage à produire une lecture linéaire du poème.

Le titre et la dédicace :
Le titre semble avoir une valeur programmatique. Il est en fait constitué d’une citation empruntée à Lautréamont (1846-1870) et énonce le thème du texte que nous allons lire. Eluard va nous parler des fonctions de la poésie.L’utilisation du verbe « devoir » (« doit avoir pour but ») montre bien que pour notre poète, la poésie doit répondre à une exigence particulière. Que penser de l’expression : la vérité pratique ? Elle est au moins double. Elle signifie que la poésie est révélatrice de la vérité, non pas d’une vérité éternelle, transcendantale, mais pratique c’est-à-dire adaptée à la situation concrète et immédiate deshommes. Nous pouvons déjà en déduire que la poésie, selon Eluard, doit être donc aussi, une poésie de circonstance, une poésie utile, loin peut-être des artifices de l’art et des images. La dédicace « à mes amis exigeants » nous montre que le poème est particulièrement destiné à quelques personnes qui ne comprennent pas l’engagement politique du poète de l’amour. Ce poème apparait donc, dès le titre,comme une explication, une justification sur la conception de la poésie selon Eluard et ses prises de position politiques – et poétiques.

Première partie du poème : v. 1 à 12 :
La première partie du poème est constituée de quatre tercets particulièrement rythmés, grâce notamment aux tétramètres (1, 3, 4, 6, 9, 12) et aux anaphores : « Si je vous dis » et « Vous me croyez » qui la jalonnent.Cette première partie, évoque la fonction traditionnelle de la poésie, la poésie amoureuse, poésie lyrique où le poème exprime ses sentiments. Le « je » qui apparait dès le début du poème désigne évidemment Eluard, mais aussi, à travers lui, le poète en général. Que nous dit le poète dans cette première partie ? Tout simplement que lorsqu’il parle d’amour, de désir, de nature, il est toujoursentendu et compris, même si ses propos sont obscurs.

* Ainsi la strophe 1 met en évidence le pouvoir évocateur de la poésie à travers une comparaison originale. Le « soleil dans la forêt » est comparé à « un ventre qui se donne dans un lit ». Le poète associe la nature et l’amour, deux thèmes privilégiés de la poésie. L’image parait étrange car Eluard inverse le rapport comparant/comparé….