I
France ! à l’heure où tu te prosternes,
Le pied d’un tyran sur ton front,
La voix sortira des cavernes ;
Les enchaînés tressailleront.
Le banni, debout sur la grève,
Contemplantl’étoile et le flot,
Comme ceux qu’on entend en rêve,
Parlera dans l’ombre tout haut ;
Et ses paroles qui menacent,
Ses paroles dont l’éclair luit,
Seront comme des mains qui passent
Tenant desglaives dans la nuit.
Elles feront frémir les marbres
Et les monts que brunit le soir,
Et les chevelures des arbres
Frissonneront sous le ciel noir ;
Elles seront l’airain qui sonne,
Lecri qui chasse les corbeaux,
Le souffle inconnu dont frissonne
Le brin d’herbe sur les tombeaux ;
Elles crieront : Honte aux infâmes,
Aux oppresseurs, aux meurtriers !
Elles appelleront lesâmes
Comme on appelle des guerriers !
Sur les races qui se transforment,
Sombre orage, elles planeront ;
Et si ceux qui vivent s’endorment,
Ceux qui sont morts s’éveilleront.
30mars. Jersey.
II- Toulon
I
En ces temps-là, c’était une ville tombée
Au pouvoir des anglais, maîtres des vastes mers,
Qui, du canon battue et de terreur courbée,Disparaissait dans les éclairs.
C’était une cité qu’ébranlait le tonnerre
A l’heure où la nuit tombe, à l’heure où le jour naît,
Qu’avait prise en sa griffe Albion, qu’en sa serre
La République reprenait.Dans la rade couraient les frégates meurtries ;
Les pavillons pendaient troués par le boulet ;
Sur le front orageux des noires batteries
La fumée à longs flots roulait.
On entendaitgronder les forts, sauter les poudres
Le brûlot flamboyait sur la vague qui luit ;
Comme un astre effrayant qui se disperse en foudres,
La bombe éclatait dans la nuit.
Sombre histoire ! Quelstemps ! Et quelle illustre page !
Tout se mêlait, le mât coupé, le mur détruit,
Les obus, le sifflet des maîtres d’équipage,
Et l’ombre, et l’horreur, et le bruit.
Ô France ! tu couvrais…