LES DIFFICULTES DE L’EDUCATION SEXUELLE DES JEUNES AFRICAINS DANS UN CONTEXTE DE « MODERNISATION/GLOBALISATION ». CAS DU CAMEROUN
Elie Michel KEDJO
Formateur-Chercheur en Ingénierie du Développement Social
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Dans les sociétés traditionnelles africaines en général et celles du Cameroun en particulier, la sexualité a toujours été précoce mais obéissant à un contrôle social.L’échange entre les parents et les enfants sur les connaissances sexuelles n’était pas l’œuvre direct des parents (Abega, 1997). L’enfant appartient dès sa naissance à une communauté qui représente à la fois l’autorité, la sécurité et l’affection. Cette appartenance provient du fait que l’enfant représente l’ancêtre et perpétue le nom de la famille, il assure donc la continuité du lignage. Toute lasociété est éducative parce que l’enfant est l’enfant du groupe tout entier et non pas seulement de ses parents géniteurs. L’éducation à un caractère collectif prononcé. En effet, dans les sociétés traditionnelles de l’Afrique subsaharienne, notamment celles du Cameroun, la parenté, les pairs, le village participent à éducation. Tout le monde est concerné par l’éducation du jeune même si uneplace particulière revient aux parents et aux aînés ou à des personnes qualifiées par des tâches spéciales comme durant les moments de rites d’initiations diverses ou d’apprentissage de métiers. « Membre parasite d’abord, autonome ensuite, l’enfant rompt progressivement ses amarres d’avec le milieu et d’avec les éducateurs non pas nécessairement comme ailleurs pour s’opposer à eux, mais il s’affirmepour les épauler efficacement dans la mesure de ses capacités » (Ngoma, 1981). Le jeune s’affirme tellement que pour consacrer sa maturité sociale, son intégration officielle au statut d’adulte est l’objet d’une véritable décision et, avec l’autorisation de son groupe, il subit l’épreuve de l’initiation.
Dans la formation initiatique, filles et garçons sont en effet séparés et confiés aux aînés,sages et expérimentés. Quoique les parents, plus proches de l’enfant restent les premiers initiateurs ; l’initiation à la vie est aussi menée de front par les anciens, oncles, tantes, grands-parents et les aînés du clan, distingués par leur notoriété et leur expérience de la vie. Désignés pour cette fin, ils enseignent aux plus jeunes les règles de conduite, les grands principes moraux, lesbonnes manières. L’apprentissage de l’enfant se fait dans la société à l’aide de maximes, sentences, chansons, contes, proverbes…, utilisés pour justifier telle manière de procéder, ou telle intervention et au travers desquels on devine l’existence d’un projet pédagogique, d’une véritable philosophie de l’éducation (Mbarga, 1991 ; Rwenge, 1999). Les normes et les valeurs de la société véhiculées àl’enfant portent souvent l’honneur (pour sa famille et lui), la pudeur, le respect de soi-même, etc.
Pour ce qui est de la sexualité, la chasteté, virginité, la tolérance et la patience dans leurs futurs ménages sont davantage adressées aux jeunes filles qu’aux garçons. Pour ces derniers, on insiste sur le sens et l’importance de la responsabilité afin d’en faire des êtres capables de s’assumer etd’assumer et de contribuer à la production du groupe (Rwenge ,1999). De nos jours, les choses ont beaucoup changé avec le modernisme.
Depuis le XVIIIème siècle, le rythme d’accroissement de la population urbaine et du nombre de ville n’a cessé de s’accélérer, au point où aujourd’hui en Afrique, la croissance urbaine est parfois plus rapide qu’en occident (Hauser,1965 ; Ela, 1983 ; Antoine etal,1995 ; Gendreau, 1996). En Afrique subsaharienne, le phénomène urbain s’est généralisé depuis les années 50 grâce à la colonisation et son corollaire l’industrialisation . Estimé à 14.7% en 1950, le taux d’urbanisation est passé à 40.5% en 2005 pour l’ensemble des pays africains, avec un rythme annuel proche de 5%. A ce rythme, la croissance urbaine est parfois supérieure à la croissance…