Les marques des distributeurs

Les Marques de Distributeurs
État des lieux en France et réexions économiques

Fabian BERGÈS-SENNOU Institut National de la Recherche Agronomique

Mars 2002

Avant-Propos
Pendant longtemps, les producteurs ont quasiment maîtrisé l’intégralité de la structure verticale agro-alimentaire à cause de la forte parcellisation du commerce de détail. Depuis quelques années, les distributeurscommencent peu à peu à remonter la ligne verticale en s’appropriant des tâches nouvelles (conception de produits, promotions, … ) habituellement du ressort des fabricants. La forte concentration des enseignes (9 d’entre elles détiennent 95 % de la surface totale des hypermarchés, et 4 enseignes 52 % de celle des supermarchés) a changé la donne du jeu de négociation dans la structure verticale entreproducteurs et distributeurs, et ces derniers achent désormais clairement leur souveraineté grâce à une totale maîtrise des Marques de Distributeurs – MDD (qui représentent en moyenne 20,3 % des ventes sur les hypers et supermarchés). La Loi du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles Régulations Économiques (NRE) dénit précisément la marque de distributeur dans son article 62 : « Est considérécomme produit vendu sous marque de distributeur le produit dont les caractéristiques ont été dénies par l’entreprise ou le groupe d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu ».
Ces marques se développent particulièrement dans des créneaux où les produits sont d’usage courant (alimentaire et hygiène), mais elles commencent à faireleur entrée dans les rayons dévolus à l’équipement de la personne ou du foyer (marque FirstLine pour l’électroménager chez Carrefour, ou encore Tissaïa pour le textile à Leclerc…). Cette nouvelle stratégie permet d’atteindre deux buts à la fois : de par leur unicité sur les produits (le nom de l’enseigne), la délisation du client n’en est que plus facile, et leur existence même modie le marchéamont en aectant la rentabilité des producteurs car leurs produits sont désormais concurrencés par les MDD. En résumé, les distributeurs ont donc entre leurs mains non seulement les prix et la qualité du produit, mais aussi les promotions ou les services. Ils protent également de la nouvelle concurrence qu’ils peuvent faire jouer entre leurs fournisseurs, augmentant ainsi la dépendanceéconomique de ces derniers vis-à-vis de la grande distribution. Si l’on dénit le pouvoir économique dans la structure verticale comme la capacité de l’agent à accroître ses prots, l’observation des chires1 semble alors montrer que les distributeurs ont largement gagné en pouvoir de négociation au sein de la structure verticale.

l’étude de M. Dietsch : « Les relations entre les producteurs et lesdistributeurs de biens de grande consommation », 1997.

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Introduction
Dans cette section, l’objectif est de décrire deux des trois acteurs stratégiques pour le développement des marques de distributeurs (MDD) : les distributeurs et les consommateurs (les producteurs étant donc écartés provisoirement). En France, tout comme au Royaume-Uni ou bien encore en Allemagne, la grandedistribution est un secteur extrêmement concentré. De plus, les habitudes des consommateurs méritent d’être rappelées dans le but de mieux saisir leur comportement d’achat (combien de magasins, à quelle fréquence, etc… ).

La grande distribution
La France est, dans les dernières décennies, passée d’un commerce de détail à un commerce de masse. Jusqu’à la n des années 1960, la fréquence d’ouverturedes grandes surfaces est restée modeste. Cependant, l’année 1969 a vu le nombre d’inaugurations tripler pour arriver aux environs de 45 ouvertures dans cette seule année. Le vote de la Loi Royer2 en 1974 limite l’implantation d’hypermarchés en France et a poussé les grandes enseignes à se lancer dans l’aventure de l’internationalisation (en Espagne : Carrefour avec Pryca, Auchan avec Alcampo,…