L’inconcient

L’inconscient

Eliminons une confusion : l’inconscience = l’irresponsabilité (celle de l’automobiliste qui conduit en état d’ivresse). Ce sens n’est pas en cause ici, il faut absolument bannir ce terme : l’inconscient n’a rien à voir avec l’“inconscience”.

Deux usages du mot “inconscient”:
1 • Comme adjectif, ce terme qualifie l’état de ce qui ne peut pas être conscient(les petites perceptions, Leibniz) ou l’état de ce qui n’est plus conscient (un souvenir auquel on ne pense pas, Bergson) : c’est tout ce qui échappe à notre conscience actuelle.
2 • Comme substantif, ce terme désigne une causalité, un mécanisme psychique à l’origine de certains de nos actes, ceux qui paraissent dépourvus de sens (lapsus, rêves, actes manqués, conduites névrotiques oupsychotiques, Freud). Est inconscient ce qui est refoulé et qui doit l’être nécessairement (un désir incestueux, un désir de meurtre…) La tension entre un désir et le renoncement à ce désir peut être à l’origine de conflits psychiques qui ne trouvent à s’exprimer que dans des conduites pathologiques (névroses…)

1 • Un état de non-conscience actuelle:

1 . 1 • Les “petitesperceptions” ou “perceptions insensibles”:

Ma perception consciente du bruit de la vague est composée de petites perceptions dont aucune n’est consciente par elle-même. Leibniz pense la perception à travers le modèle de la somme intégrale du calcul infinitésimal qu’il vient d’inventer.

« Pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j’aicoutume de me servir de l’exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage. Pour entendre ce bruit, comme l’on fait, il faut bien que l’on entende les parties qui composent ce tout, c’est-à-dire le bruit de chaque vague, quoique chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l’assemblage confus de tous les autres ensemble, et qu’il ne seremarquerait pas si la vague qui le fait était seule. Car il faut qu’on soit affecté un peu par le mouvement de cette vague et qu’on ait quelque perception de chacun de ces bruits, quelque petits qu’ils soient.»
« J’accorde aux cartésiens que l’âme pense toujours actuellement ; mais je n’accorde point qu’elle s’aperçoit de toutes ses pensées, car nos grandes perceptions et nos grands appétits dontnous nous apercevons sont composés d’une infinité de petites perceptions et de petites inclinations dont on ne saurait s’apercevoir. Et c’est dans ces perceptions insensibles que se trouve la raison de ce qui se passe en nous, comme la raison de ce qui se passe dans les corps sensibles consiste dans les mouvements insensibles. »
LEIBNIZ, Nouveaux Essais, II, 1

1 . 2 • Desreprésentations qui ne sont pas actuellement conscientes :

« L’ idée d’une représentation inconsciente est claire, en dépit d’un préjugé répandu; on peut même dire que nous en faisons un usage constant et qu’il n’y a pas de conception plus familière au sens commun. Tout le monde admet, en effet, que les images actuellement présentes à notre perception ne sont pas le tout de la matière. Maisd’autre part, que peut être un objet matériel non perçu, une image non imaginée, sinon une espèce d’état mental inconscient?
Au delà des murs de votre chambre, que vous percevez en ce moment, il y a les chambres voisines, puis le reste de la maison, enfin la rue et la ville où vous demeurez. Peu importe la théorie de la matière à laquelle vous vous ralliez: vous pensez évidemment, quand vousparlez de la ville, de la rue, des autres chambres de la maison, à autant de perceptions absentes de votre conscience et pourtant données en dehors d’elle. Elles ne se créent pas à mesure que votre conscience les accueille; elles étaient donc déjà en quelque manière, et puisque, par hypothèse, votre conscience ne les appréhendait pas, comment pouvaient-elles exister en soi sinon à l’état…