L’odeur de la pension

EXTRAITII
:
« (…) Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son ronron matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis ; ellemarche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en êtreécoeurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur , enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l’argousin, vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit decette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricoté, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet ».

• Analyse :Ce portrait, placé au début du romain fait selon une focalisation omnisciente, et qui ne suit pas un ordre précis, est un portrait réaliste, mais aussi un portrait caricatural, et un portrait symbolique, qui annonce la suite du roman.Dans cet extrait, le narrateur trace le portrait de la propriétaire de la pension bourgeois : Mme Vauquer.
Il évoque tout d’abord le haut du corps :« bonnet », «cheveux », « face », « nez » ; le regard se déplace du haut vers le bas puis descend encore« la main » et le buste pour remonter sur le visage et les yeux.
Finalement, le portrait s’achève sur le bas du corps avec la description des « jupons et jupes »
? De nombreux détails sur le lieu et le temps
De nombreux détails sur le lieu et le temps produisent un effet de réel : l’heure « sept heures du matin  » , une heure ou madame Vauquer ne triche pas sur son apparence ; le mobilier :  » buffets  » ,  » jattes couvertes d’assiettes  » , le bruit :  » rourou matinal « , l’odeur :  » l’air chaudement fétide  » , la matière des vêtements : « laine, « ouate » . Ces détails rendent plus réaliste le portrait de madame Vauquer .
? Le portrait de madame Vauquer est dépréciatif,physiquement et moralement :

-la vieillesse : « face vieillotte », « yeux ridés »
– La corpulence :  » petites mains potelées », avec allitérations en « p » et « t » qui mettent en valeur l’expression
–  » personne dodue comme un rat d’église  » : sa grosseur semble venir du fait qu’elle vit du malheur des autres, comme un rat qui vit dans un milieu en décomposition, qui grossit sur les déchets des autresLa tenue vestimentaire indique le mauvais goût, l’hypocrisie, et l’avarice . e narrateur fait ici un portrait péjoratif du personnage. Tous les adjectifs employés sont dévalorisants : « attifée », « faux », « mal mis », « grimacée », « vieillotte », « grassouillette », « potelée », « dodue », « fétide », « ridés », « blafard », « petite », « vieille, « lézardée ».
Il se dégage de ce portraitune impression de malpropreté et d’usure.
Le narrateur souligne également « l’embonpoint » de la tenancière suggérant ainsi que malgré la manière dot elle est « attifée », elle ne manque pas d’argent et mange largement à sa faim.
A travers ce portrait physique, le narrateur fait le portrait moral du personnage. Les métaphores et animalisation suggèrent l’avarice et la spéculation du…