L’ouverture à la concurrence du service extérieur des pompes funèbres et les exigences du service public.

L’ouverture à la concurrence du service extérieur des pompes funèbres et les exigences du service public.

« Toute civilisation est hantée, visiblement ou invisiblement, par ce qu’elle pense de la mort » écrivait André Malraux dans ses « Antimémoires ».
Les pratiques funéraires constituent l’un des signes les plus manifestes de l’idée qu’une civilisation se fait de l’être humain, de la vie, dela mort et, d’une certaine façon, d’elle-même. Elles ne sauraient donc relever d’un marché comme les autres. Aussi ont-elles longtemps fait l’objet d’un monopole. Les origines de celui-ci remontent assez loin dans le temps. Mais s’il est aisé de se rendre compte de ce qu’une organisation du service funéraire existait déjà chez les Egyptiens, les Grecs et les Romains, ainsi qu’en témoignent lestraces de tombeaux et de rites, l’origine de ce service en France est à situer plus récemment : sombres présages et funestes augures que ceux annoncés par cette année de 1348 ! Qui l’eût prédit en effet, qu’en cette année du règne de Philippe VI de Valois et alors que, déjà éprouvée par les débuts d’une guerre qui devait encore durer plus de cent ans, la moitié de la population de Paris devraitperdre la vie des ravages de la Grande Peste, et, réduite ainsi à des cadavres jonchant les rues, se dessinerait ainsi sous les yeux des contemporains le plus macabre des spectacles, dans ce qui fût décrit par la postérité comme l’un des évènements les plus terribles de l’histoire de l’Europe ?
Ce fut l’Église, seule structure sociale organisée alors en mesure de le faire, qui prit en charge ceservice funéraire. Plus que d’une fonction religieuse, c’était déjà d’un service public qu’il s’agissait et c’est de là que date le fameux monopole. Jusqu’en 1800, celui-ci sera exclusivement dévolu à l’Église puis, après la Révolution qui l’attribuera aux collectivités locales, le monopole de fait de l’Église sera rétabli par le Concordat, toujours en vigueur dans les départements de l’Est.Finalement, dans le cadre de la séparation de l’Église et de l’État, le monopole sera transféré de nouveau en 1904 aux municipalités pour finalement être abrogé en 1993. Mais en abrogeant le monopole communal, les pouvoirs publics ont accru dans des proportions considérables toute la réglementation, alors que dans la loi de 1993 les mots de service public subsistent encore.
Le service funéraire demeureainsi un service public à savoir une activité d’intérêt général se caractérisant par un lien avec une personne publique et qui de ce fait, se trouve soumise, à des degrés variables, à un régime exorbitant du droit privé. Cet intérêt général, notion relative et contingente, quoique restant intuitivement perceptible dans les pompes funèbres, est une condition essentielle, voire le fondement même duservice public. C’est ce critère évolutif qui donne au service public sa dimension sociale, « qui nous donne à croire qu’elle est exacte » selon Léon Duguit. Et pourtant, ce service public des pompes funèbres, il demeure spécifique à bien des égards. Ces exigences traditionnelles sauront dès lors s’exprimer avec une particulière acuité dès lors qu’il touche à la mort. Cette mort, phénomène à la foisbiologique, social, philosophique, religieux et juridique, saura dès lors se montrer aussi problématique, à partir du moment où, ayant toujours exigé une implication des collectivités dans sa gestion, elle se trouve reléguée aux soins d’entrepreneurs privés qui, pour aussi louables que soient leurs intentions et pour aussi probes que l’on tienne leurs modalités de gestion, ne sont in principio etin fine mus que par l’intérêt financier et la recherche du profit.

Dieu sait que je n’ai pas le fond méchant,
Je ne souhaite jamais la mort des gens;
Mais si l’on ne mourait plus.
Je crèverais de faim sur mon talus…
Je suis un pauvre…