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Les actes juridiques de la personne protégée

« Qui dit contractuel dit juste » énonce la fameuse formule d’Alfred Fouillée. On associe traditionnellement cette formule à la non moins fameuse théorie de l’autonomie de la volonté. Selon cette théorie, deux volontés libres qui s’accordent font naître un contrat valable, qui les oblige autant que le ferait la loi votée par le législateur. Cetteaffirmation n’est pas éloignée de la notion kantienne de liberté, où l’individu est conçu comme une liberté consciente, dont la puissance est virtuellement illimitée, sauf à trouver sa limite dans celles des autres individus avec lesquelles elle interagit. Une telle liberté implique par conséquent une égalité fondamentale des êtres humains : chaque individu est doté à sa naissance d’une même etincommensurable liberté. Cette égale puissance des individus, dans une approche traditionnelle, postule donc une qualité équivalente des consentements échangés. A contrario, l’affirmation d’une égalité des individus dans leurs rapports contractuels, et plus largement dans l’exercice de leurs droits, n’a plus guère de sens si l’on constate un déséquilibre quelconque entre les individus qui tissent unrapport de droit. Un tel déséquilibre n’est pas inconnu du droit, qui l’a très tôt envisagé en
organisant des règles de protection de certaines personnes. Ces règles s’adressaient
personnes dépourvues de capacité d’exercice, c’est à dire titulaires de droits, mais jugées insuffisamment capables de le mettre seules en œuvre. L’enfant mineur, le majeur incapable (notamment lorsqu’il est affectéd’un trouble mental), ou même la femme mariée jusqu’en 1938, font ainsi l’objet d’une protection spécifique par le droit.
Mais l’approche juridique ne suffit plus désormais pour embrasser toutes les catégories de personnes qu’on peut qualifier de « protégées » en droit. L’actualité
récente démontre tout le souci des pouvoirs publics de prendre en compte les
déséquilibres nés d’une inégalitééconomique entre deux personnes qui concluent un acte juridique, à raison de discriminations diverses et variées, désormais placées sous la surveillance d’une autorité administrative indépendante, la HALDE, qui a le pouvoir de sanctionner le puissant pour avoir exploité le faible. Cette considération du faible, dans la relation de négociation, n’est pas si nouvelle d’ailleurs. La constitution d’undroit du travail protecteur du salarié contre l’employeur, ou d’un droit de la consommation protecteur du consommateur face au professionnel, peut se dater au début des années 1970. Il n’est pas injustifié d’inclure ces nouvelles figures de la faiblesse dans la catégorie des « personnes protégées ». Il convient cependant de restreindre quelque peu le champ de notre étude, pour en sauvegarder lacohérence. Il ne s’agit pas d’exposer, de lege ferenda, ce que serait un droit du faible, quand bien même notre système juridique semble d’orienter dans cette
direction. Il convient donc de se concentrer sur les enseignements du droit positif au
regard des actes juridiques accomplis par une personne faisant l’objet d’une protection spécifique. Pour spécifique qu’elle soit, cette protection ne seraétudiée qu’en tant qu’elle est issue du droit commun, c’est à dire du droit civil. Le droit du travail, ou encore le droit des procédures collectives, qui protège également une personne en situation de faiblesse, demeurent trop spécifiques pour être intégrés en l’état dans une étude générale. En revanche, le droit de la consommation pourra, ça et là, être évoqué car les points de recoupement avec ledroit civil y sont fréquents.
C’est dans cette optique que nous nous interrogerons sur les actes juridiques
accomplis par la personne protégée, c’est à dire principalement l’incapable, mais aussi subsidiairement le consommateur. Ces actes juridiques doivent s’entendre de toute manifestation de volonté destinée à produire un effet de droit. Si la figure du contrat y est donc largement…