Molloy – Beckett
Incipit, explication linéaire
Molloy est le premier roman d’une trilogie composée de Molloy, Malone meurt et L’Innommable, où les protagonistes essaient d’atteindre le néant auquel ils aspirent. Dans le premier roman, le protagoniste principal Molloy part dans une quête qui apparaitra comme une quête de soi à travers l’écriture. L’extrait proposé est l’incipit du romanMolloy, moment clé de l’ouverture du roman. On voit ici qu’il s’agit d’un monologue et on peut s’apercevoir que cet incipit inaugure le monologue Beckettien.
On peut remarquer d’emblée des procédés d’écriture bien spécifiques à Beckett qui mettent notamment en scène une personne dont nous ne connaissons pas l’identité, s’exprimant à la première personne et contant son histoire, comme si cela allaitde soi.
Nous pouvons nous demander comment l’incipit réussit à insérer le personnage principal dans le roman et comment il permet réellement au roman de démarrer. Nous verrons pour cela que des lignes 1 à 20, nous avons une présentation du personnage lui-même, âgé, puis une approche de la remémoration liée à la figure maternelle des lignes 21 à 34 et enfin une remémoration de sa vie, qui on leverra se révèle être surtout un moyen de présenter son œuvre.
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Le roman commence d’emblée avec une prise de parole du personnage principal, Molloy, qui se fait à la première personne. Nous pouvons remarquer que le premier mot du roman, « Je », ne permet pas d’identifier réellement la personne qui parle. Le lecteur ne connaît pas l’identité de cette personne et ne peutqu’émettre des hypothèses quant à son nom. En effet, le lecteur quelque peu connaisseur, sait, en ouvrant le roman, qu’il a à faire à un roman inaugurant le monologue Beckettien et peut donc supposer que le locuteur n’est autre que Molloy, personnage éponyme du roman. Si nous ne savons pas directement de qui il s’agit, nous savons en revanche le lieu de départ du roman grâce à la première phrase,phrase simple au présent de l’indicatif permettant de situer de manière très claire la scène: « Je suis dans la chambre de ma mère ». D’emblée grâce à cette phrase, le sujet est lancé. En effet, on peut comprendre en lisant l’intégralité de Molloy que la quête de Molloy n’est autre que la quête de sa mère. Ici, grâce à la première phrase, nous avons un indice sur l’objet de cette quête. La deuxièmephrase « C’est moi qui y vis maintenant », le « y » reprenant « la chambre de ma mère » nous fait comprendre que la mère n’est plus là et nous fait même supposer qu’elle est morte. On sent donc dès le début un attachement fort à la figure maternelle.
Puis on revient à une centration sur Molloy lui-même, qui « ne sait pas comment [il est] arrivé [dans cette chambre]. Ici apparait un être perdu, enmanque certain de la figure maternelle mais également en manque de lucidité et de mémoire. Pour Molloy en effet, tout est flou, avec un fort sémantisme de l’incertitude: « peut-être » lignes 3 et 6, « un véhicule quelconque certainement » ligne 3, « on m’a aidé ». Le pronom personnel « on » va être un fort vecteur d’incertitude, qui sera repris par « cet homme », comme s’il savait enfin de qui ils’agit, mais nié par « Il dit que non ». Molloy vit dans un flou constant et ne semble avoir aucun repère auquel il puisse se rattacher. Ce flou constant est amplifié par un dédain envers lui-même. C’est ainsi qu’à la ligne 4 il va dire « Seul je ne serais pas arrivé ». On peut dès à présent remarquer que Molloy semble ne pas avoir confiance en lui et se dédaigne comme un modèle au seulcomportement qu’on pourrait avoir, et que l’on semble devoir avoir face à lui. Il se justifie par son manque de volonté, à la ligne 15 « Je n’ai plus beaucoup de volonté » et insiste avec le « voyez-vous » pour bien faire comprendre à son interlocuteur son état d’esprit et son manque de ferveur.
Ce manque de ferveur se retrouve d’ailleurs au travail de Molloy et marque même une profonde lassitude….