Dans le désert des Agriates
Au nord de la Corse, une lande de rocs et de maquis réputée pour sa fournaise et ses légendes. Des sentiers peu fréquentés mènent à des anses paradisiaques.
Quelquesoracles avaient prévenu. C’était peut-être une folie. L’endroit est peuplé de légendes, fui pour son épouvantable chaleur, soyez prudents. Le danger attend au détour du sentier. Des taureaux ont chargéles passants. Rôde le fantôme d’une fille immolée par son père, démons, sépultures. On raconte aussi l’histoire d’un ogre qui y révéla, pour avoir la vie sauve, la recette du brocciu, célèbre fromageinsulaire. Il fut quand même sacrifié, laissant son nom à un dolmen. Et ne dormez pas sur la plage, les cochons sauvages détroussent. A moins qu’il ne s’agisse de bandits. Minotaures, cerbères,assassins. Les déserts sont des vides que l’imaginaire emplit, ainsi que les écrivains et quelques hommes de foi. Rimbaud, Foucault, Monod…
Les Agriates, c’est un désert. C’est une étuve. Un enfer ou unpassage vers quelques lambeaux de paradis terrestre formé de sable et d’eaux translucides comme il n’en existe qu’ici en Corse, peut-être. L’échappée commence à l’Ostriconi, joyau du littoral, seseucalyptus, ses vaches rousses et la colonie italienne d’un camping où Quechua règne en divinité moderne. On ne s’attarde pas. Un serpent de mer monstrueux, la biscia, se cacherait dans les eaux de cesite enchanteur dont le nom proviendrait de Lu Stricone (le « grand sorcier »). Jean-Michel Casta, ancien directeur du syndicat mixte des Agriates, le dit dans un très beau recueil collectif (Promenadesécologiques et littéraires, Actes Sud/Dexia éditions).
Myrte, ciste, romarin, laurier dans des tourbillons de chaleur
La plage et ses rites païens disparaissent après quelques minutes de marche. Etl’on s’enfonce vers le nord dans ce territoire tant redouté, pour se retrouver, petit miracle, à l’écart de toute civilisation touristique. Un sort improbable quand l’île de Beauté bat chaque année…