Homère : L’Odyssée
Séance 2 : place et structure des récits chez Alcinoos dans l’économie générale de L’Odyssée
I/ Entrée dans l’œuvre
Prologue de l’Iliade
« Chante, déesse, la colère du fils de Pélée, Achille, colère funeste, qui causa mille douleurs aux Achéens, précipita chez Hadès mainte âme forte de héros, et fit de leurs corps la proie des chiens et des oiseaux innombrables : lavolonté de Zeus s’accomplissait. Commence à la querelle qui divisa l’Atride, roi de guerriers, et le divin Achille. »
Alors que L’Iliade racontait « la colère d’Achille, le fils de Pélée, détestable colère qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre » (I, 1-2), L’Odyssée se présente comme le portrait d’un homme à travers le récit de ses errances, comme l’annonce le prologue, v.1-6.
1-LePrologue
Ce prologue est à la fois traditionnel et énigmatique.
– Comme bien des épopées antiques, à commencer par L’Iliade, il commence par une invocation à la Muse, allégorie de l’inspiration poétique, qui transforme le poète, destinataire direct du chant des Muses, en voyant. Ainsi est tissé d’entrée de jeu un lien entre la Muse, l’aède et l’auditoire.
– Cette mise en scène, dès le 1er vers,du poète, s’accompagne de l’annonce d’un récit : celui de «L’Inventif », l’ «andra polytropon », épithète homérique énigmatique en ce qu’elle ne nomme pas le héros, mais l’introduit par une périphrase, un adjectif composé, « polytropos » qu’on traduit habituellement par « l’homme aux mille tours ». Signifiant, ce mystère quant à l’identité est cependant tout relatif, dans la mesure où Odysseus,Ulysse, est le seul homme, dans l’épopée archaïque, à être qualifié par cette épithète qu’il ne partage qu’avec Hermès et qui le désigne d’emblée par sa « metis » : connu pour sa ruse et son intelligence, Ulysse est capable d’inventer des stratagèmes pour se sortir de toutes les situations. Protégé d’Athéna qui l’apprécie, il possède comme elle la « mètis », cette ruse intelligente qui permet detrouver une solution adaptée aux situations les plus complexes, cette habileté du discours et cet art d’inventer qui a permis aux Grecs d’investir Troie dans le cheval. D’entrée de jeu cette épithète homérique oppose implicitement le héros de l’Odyssée à celui de L’Iliade : d’un côté un héros qui entraîne pour les Achéens « mille souffrances » ; de l’autre un héros qui « subit lui-même bien dessouffrances » pour sauver autrui et obtenir le retour de ses compagnons.
– La dernière fonction de ce prologue est d’annoncer le récit des tribulations du héros, de son départ de Troie à son retour à Ithaque, en privilégiant une des aventures, la dernière, ce qui permet de mettre d’entrée de jeu l’accent sur la solitude du héros, unique survivant du périple maritime aux aventures/ exploitsmerveilleux et sur l’affrontement entre les dieux et les hommes. Mais L’Odyssée ne retient des voyages d’Ulysse que leur fin, comme le soulignent les 1ers vers du chant I : le récit commence lorsque, « dans le cercle des années, vint le moment où les dieux avaient décidé qu’il rentrerait chez lui, à Ithaque » (I, 16-18). Il prend le héros au moment où il est le plus éloigné sa patrie : il est retenu parCalypso dans l’île d’Ogygie, aux confins de l’univers, « loin des villes où les hommes offrent aux dieux leurs hécatombes les plus belles » (V, 101-102), « sur ce nombril des mers » où la fille d’Atlas tient captif « le malheureux qui pleure » (I, 52-54). Ce retour est très précisément programmé par Zeus au début du chant V, v.34-37.
2-L’Odyssée : sens du titre de l’épopée
En effet,l’Odyssée est un poème de retour, un nostos, comme disaient les Anciens : il raconte le retour d’Odysseus à Ithaque, les épreuves traversées avant d’y parvenir (chants V à XIII), les épreuves affrontées avant de s’y rétablir (chants XIV à XXIII), et les dernières épreuves, plus intimes, avant de s’y faire reconnaître et de se faire accepter (chant XXIV).
Dès le chant I, le poète fait un jeu de mots…