Poèmes sur l’exotisme

Corpus de poèmes sur l’exotisme

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage …

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de mapauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

Les Regrets, Joachim DU BELLAY (1558)
Mouvementslittéraire: La Pleïade

Le Songe d’un habitant du Mogol?

Jadis certain Mogol vit en songe un Vizir
Aux champs Elysiens possesseur d’un plaisir
Aussi pur qu’infini, tant en prix qu’en durée ;
Le même songeur vit en une autre contrée
Un Ermite entouré de feux,
Qui touchait de pitié même les malheureux.
Le cas parut étrange, et contre l’ordinaire :
Minos en ces deux morts semblaits’être mépris.
Le dormeur s’éveilla, tant il en fut surpris.
Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère,
Il se fit expliquer l’affaire.
L’interprète lui dit : Ne vous étonnez point ;
Votre songe a du sens ; et, si j’ai sur ce point
Acquis tant soit peu d’habitude,
C’est un avis des Dieux. Pendant l’humain séjour,
Ce Vizir quelquefois cherchait la solitude ;
Cet Ermite aux Vizirsallait faire sa cour. (…)

Les Fables- Livre XI, Jean DE LA FONTAINE (1621-1695)
Mouvements littéraire: Le Classicisme

Venise

Dans Venise la rouge,?
Pas un bateau qui bouge, ?
Pas un pêcheur dans l’eau, ?
Pas un falot.

Seul, assis à la grève,
?Le grand lion soulève, ?
Sur l’horizon serein, ?
Son pied d’airain.

Autour de lui, par groupes, ?
Navires et chaloupes, ?Pareils à des hérons ?
Couchés en ronds,

Dorment sur l’eau qui fume, ?
Et croisent dans la brume, ?
En légers tourbillons, ?
Leurs pavillons.

La lune qui s’efface ?
Couvre son front qui passe
D’un nuage étoilé ?
Demi-voilé.

Ainsi, la dame abbesse ?
De Sainte-Croix rabaisse ?
Sa cape aux larges plis ?
Sur son surplis. (…)

Premières poésies, Alfred DE MUSSET (1710-1857)Mouvements littéraire: Le romantisme

Clair de lune

La lune était sereine et jouait sur les flots. –
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Là-bas, d’un flot d’argent brode les noirs îlots.

De ses doigts en vibrant s’échappe la guitare.?
Elle écoute… Un bruit sourd frappe les sourds échos.?
Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient deseaux de Cos,?
Battant l’archipel grec de sa rame tartare ?

Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour,?
Et coupent l’eau, qui roule en perles sur leur aile ??
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’une voix grêle,?
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?

Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? –
?Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,?Ni les pierres du mur, nile bruit cadencé?
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.

Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.?
On verrait, en sondant la mer qui les promène,?
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine… -?
La lune était sereine et jouait sur les flots.?
?
Les Orientales, Victor Hugo (1802-1885)
Mouvement littéraire: Le romantisme

Le sommeil de LeïlahNi bruits d’aile, ni sons d’eau vive, ni murmures ;
La cendre du soleil nage sur l’herbe en fleur,
Et de son bec furtif le bengali siffleur?
Boit, comme un sang doré, le jus des mangues mûres.

Dans le verger royal où rougissent les mûres,?
Sous le ciel clair qui brûle et n’a plus de couleur,?
Leïlah, languissante et rose de chaleur,?
Clôt ses yeux aux longs cils à l’ombre des…