Recherche apliquée

R´ ?exions sur la recherche appliqu´ e e e
En ces temps de remise en cause de la recherche, il n’est pas mauvais que les praticiens fassent retour sur eux-mˆ mes et questionnent leur propre pratique. C’est ce que e je vais essayer de faire dans ce texte au sujet de ma pratique qui concerne la recherche ˆ appliqu´ e. La recherche appliqu´ e mˆ le diff´ rents acteurs qu’il convient, pour etre e ee e clair, de bien identi?er s´ par´ ment avant de tenter de d´ crire leurs interactions. Ces e e e acteurs sont d’abord les chercheurs publics eux-mˆ mes, c’est-` -dire des gens comme e a moi, puis les chercheurs du priv´ que j’appelle « industriels », puis les organismes e ?nanceurs qui soutiennent ces chercheurs et leurs recherches, qu’ils soient r´ gionaux, e nationaux ou europ´ ens. e

Leschercheurs publics
´e Je ne me lancerai pas dans de grands panoramas qui ont et´ sans doute faits par ailleurs. Je voudrais seulement montrer quelques aspects peu connus de ce m´ tier et e ´ eclairer certaines cons´ quences de ces aspects. e ` ` La recherche, contrairement a ce qu’on a tendance a croire, est un m´ tier dif?cile e ` et dangereux. Qui n’a jamais eu a remplir un rapport d’activit´du CNRS, ces quatre e petites pages qui sont (jusqu’` pr´ sent) la seule obligation annuelle exig´ e par l’orgaa e e nisme qui vous octroie un salaire, ne peut mesurer l’angoisse qui saisit le chercheur ` a cet instant fatidique. Eh quoi, voil` cet organisme qui ne vous donne aucune dia rection, qui ne vous impose absolument aucune mission, qui vous laisse seul livr´ a e` vous-mˆ me, dans lanature, qui soudain vous demande : « Qu’as-tu fait du salaire que e je t’ai donn´ ? » Je vous assure que mˆ me le plus cynique des individus ne peut sans e e ` fr´ mir se livrer a cet exercice : voyons, quelle publication prestigieuse ai-je faite dans e ´e ´ l’ann´ e ? a quelle conf´ rence mondiale ai-je et´ invit´ ? voil` un petit echantillon des e ` e e a questions impertinentes auxquelles lemalheureux doit se soumettre, le projecteur dans les yeux, le radiateur dans le dos et la sueur qui baigne son front. Combien de fois, toute honte bue, ai-je du convenir que je n’avais rien fait de tel et que j’avais, ainsi, trahi la ` con?ance de mon employeur et de la commission d’embauche qui avait a tort cru bon de me recommander. Remarquez que, pour cette commission, je ne me fais gu` re de e souci :l’irresponsabilit´ y est la r` gle principale ; une fois ses choix ent´ rin´ s, elle les e e e e oublie aussi vite qu’elle les a pris. Je ne sais quel texte de r´ forme en circulation de e nos jours recommande mˆ me, express´ ment, de dissocier les fonctions de recrutement e e et d’´ valuation. Que votre main droite ignore ce que fait votre gauche et que surtout, il e ˆ n’y ait aucun retourd’exp´ rience possible, telle semble etre la philosophie en vigueur. e De mˆ me, l’angoisse qui s’empare d’un directeur de th` se au moment de choisir e e ´e un jury pour un de ses el` ves, s’il n’a pas pris de pr´ caution suf?sante pour assurer e ses arri` res, est saisissante. Non que les coll` gues soient mauvais bougres, tant s’en e e faut, mais les avanies et humiliations auxquelles il faut sesoumettre dans ces cas sont 1

proprement indescriptibles. Et je ne parle pas l` que des petits chercheurs dans mon a genre, j’ai vu des sommit´ s dans cette situation. Un jour, un de ceux-ci m’a envoy´ e e la th` se par la poste, avec une lettre d’accompagnement, car il savait la th` se fort e e m´ diocre et n’avait pas le cœur de me demander par t´ l´ phone. e ee

Les communaut´ s scienti?ques e´ En face de tels ecueils, devant de tels dangers, le chercheur, comme sans doute tout autre groupe humain, a cherch´ , et trouv´ des parades. La plus connue, la plus humaine e e ` aussi consiste a se regrouper, faire cercle, pour conjurer le spectre de cette terrible ` solitude. C’est ce qu’on appelle appartenir a une communaut´ . (Quand j’´ tais jeune, e e on disait une bande mais c’est…