Le rôle des femmes, dans une société où la » domination masculine » est ancrée de longue date, nourrit de très nombreuses analyses et de multiples débats. C’est ainsi qu’en 1762, dans son ouvrage novateur intitulé Emile ou De l’Education, le philosophe Jean-Jacques Rousseau s’intéressait aux vertus que devait présenter une femme parfaite, et à la place qui lui était assignée. Deux siècles plustard, en 1998, les représentations de la femme et de ses fonctions ne semblent pas avoir beaucoup changé, comme en témoigne le sociologue Pierre Bourdieu dans un essai intitulé La Domination masculine. La dévalorisation dont souffre le travail féminin dans la sphère économique est plus précisément développée par Christian Baudelot et Roger Establet dans un ouvrage daté de 1992, dont le titreproclame la thèse : Allez les filles ! Enfin, un article de la rubrique » Les clés de l’info » du quotidien Le Monde d’avril 1997 dresse le constat alarmant de la très faible représentation des femmes dans la vie politique française. Pourquoi une telle inégalité persiste-t-elle et comment est-il possible d’y remédier ? On étudiera la place que la femme occupe dans le monde du travail, puis lesdifférentes formes d’exclusion dont elle a souffert dans le passé, et dont elle souffre encore, sur les plans culturels et politiques. On sera ainsi amené à chercher les causes d’une telle situation, et à évoquer les mesures à prendre pour y remédier.
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Même si les mentalités ont évolué, la tendance à l’exclusion des femmes du monde du travail perdure.
Selon une perspective traditionnelle,vigoureusement défendue par J.- J. Rousseau, le destin de toute femme est de mener une vie exclusivement domestique, retirée dans son foyer ; elle peut alors se consacrer totalement à son mari et à ses enfants. Or, cette représentation des rôles féminins n’a guère changé en deux siècles : le sociologue P. Bourdieu constate en effet qu’aux femmes sont toujours dévolues les activités touchant à la famille.Cet auteur s’accorde avec J. -J. Rousseau pour souligner que ce sens du dévouement, ce rôle maternel sont valorisés et fort appréciés, mais, selon le sociologue, les femmes sont ainsi au service des hommes, qui se réservent les activités tournées vers la vie économiques et la production : elles sont sciemment exclues du monde du travail.
De telles représentations ont pour conséquence ladévalorisation du travail féminin, que celui-ci soit privé ou public. En effet, P. Bourdieu remarque que le travail que la femme consacre à son foyer, qui n’est rémunéré, est dévalué, puisqu’il est hors de la sphère marchande. Celle-ci serait réservée aux hommes, tandis que la femme évoluerait dans une sphère immatérielle, celle de l’esprit et du cœur. C. Baudelot et R. Establet confirment cettedévalorisation du travail féminin qui se traduit par l’infériorité du salaire des femme par rapport à celui des hommes, à qualification égale. Cette inégalité, indiquent les auteurs, croît d’ailleurs à mesure que l’on progresse dans la hiérarchie et que l’on a affaire à des secteurs qui restent traditionnellement réservés aux hommes : les postes à responsabilité. Les emplois que se réservent les hommes sontperçus comme plus importants que ceux auxquels les femmes ont accès ; on évite de laisser les femmes avoir accès à ces postes privilégiés, ce qui conduit d’ailleurs les deux auteurs à affirmer que femme et homme font rarement un travail identique. P. Bourdieu remarque enfin que les activités bénévoles, caritatives, religieuses, ou associatives sont généralement pratiquées par des femmes, qui sont peuhabituées à une donner une valeur marchande à leur temps ; ce travail spécifiquement féminin est dévalorisé.
Ainsi, tant au foyer qu’à l’extérieur, le travail de la femme semble d’une valeur moindre que la travail masculin. Mais l’inégalité n’apparaît pas que dans ce domaine : la femme était autrefois exclue de la création artistique et intellectuelle, et demeure une quasi proscrite dans le…