Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, et donnant à ses actions la moralité quileur manquait auparavant. C’est alors seulement que, la voix du devoir succédant à l’impulsion physique et le droit à l’appétit, l’homme, qui jusque-là n’avait regardé que lui-même, se voit forcé d’agirsur d’autres principes, et de consulter sa raison avant d’écouter ses penchants. Quoiqu’il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en regagne de si grands, sesfacultés s’exercent et se développent, ses idées s’étendent, ses sentiments s’ennoblissent, son âme tout entière s’élève à tel point que, si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souventau-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais et qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme. ROUSSEAULe texte est tout entier consacré au passage de l’état de nature (c’est-à-dire le degré zéro de la civilisation) à l’état civilisé.
•Le Plan :
-Ce que provoque ce passage
-Le bilan positifde ce passage
Dans la mesure où Rousseau reprend à son compte, à titre d’hypothèse, l’existence de ces deux états successifs (état de nature, état civil), il est tenu de produire pour sonargumentation une description tout imaginaire de l’état de l’homme dans la nature. Tout imaginaire à double titre : d’une part parce que ce qui s’offre empiriquement à son regard ne saurait être que l’hommedans la société, l’état de nature étant totalement révolu : d’autre part, et plus fortement, parce que état de nature, tout supposé qu’il soit par rousseau, n’a jamais existé et n’est qu’un mythe.Mais ce mythe a sa fonction. Elle est d’abord classification sous le signe de l’avant (l’état de nature) et de l’après (l’état civil). Dans la conduite, l’avant, c’est l’instinct (dans l’état de…