Rwanda: les défis de l’humanitaire

Humerose Thomas – « Les défis de l’humanitaire »

Histoire Transnationale

« LES DEFIS DE L’HUMANITAIRE »

Dissertation par HUMEROSE Thomas, dans le cadre du Séminaire d’Histoire Transnationale des 19 et 20ième siècles, dispensé par M. YILMAZ Ozcan.

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Humerose Thomas – « Les défis de l’humanitaire »

Histoire Transnationale

« Je suis relativement blindé contrel’horreur, mais les belles choses, je ne leur résiste plus, elles me font monter les larmes du fond du ventre et me retournent l’estomac »1. Telles sont les paroles de Philippe Gaillard, chef de la délégation du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) au Rwanda en 1993 et 1994. Témoignant des atrocités du génocide rwandais, Philippe Gaillard parvient à nous faire ressentir l’utilité et labienfaisance de l’aide humanitaire, qui, malgré les situations horribles où elle est offerte, peut amener chez chaque individu (peu importe le camp dans lequel il se trouve) un espoir considérable. Si nous citons ici le récit de Philippe Gaillard, ce n’est pas pour sa capacité à donner de l’espoir, mais pour ses propos concernant les médias ; dans son témoignage, il fait part de ce qu’il considère commeétant des « clés de la réussite», clés que le CICR doit savoir manier pour atteindre sa mission. Parmi celle-ci, il y a le « dialogue », la « coordination interne », et, chose assez surprenante au premier regard, la « presse »2. Ce témoignage est révélateur des « nouveaux » défis auxquels doit faire face le CICR, et par extension, n’importe quelle organisation nongouvernementale (ONG). Alors cesnouveaux acteurs, dont les médias, associés à des logiques différentes et obéissant à d’autres intérêts, entraineraient la décadence de l’action humanitaire et priveraient les ONGs humanitaires (ONGH) de leurs principes les plus fondamentaux, à savoir la neutralité et l’indépendance. En plus de cela, la multiplication des ONGs et la professionnalisation de leur membre seraient d’autres signesrévélateurs de la fin de l’humanitaire « classique ». Pour K. Mills, professeur de Relations Internationales à Glasgow, il s’agit de la naissance du « néo-humanitaire » (neo-humanitarianism), qui se distinguerai de l’humanitaire « classique » par « la manipulation explicite de l’humanitaire à des fins politiques ou militaires […] ou comme substitut à l’action politique ou militaire »3.
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GAILLARD Philippe, « Rwanda 1994 : un témoignage : « on peut tuer autant de gens qu’on veut, on ne peut pas tuer leur mémoire » », in Revue internationale de la Croix-Rouge, [Genève], n°855, 2004, p. 621. 2 Ibid., p.625. 3 MILLS Kurt, « Neo-Humanitarianism : The Role of International Humanitarian Norms and Organizations in Contemporary Conflicts », in Global Governance,avril-juin 2005.
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Humerose Thomas – « Les défis de l’humanitaire »

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Dans ce travail, il s’agit donc de se pencher sur les éléments qui remettent en cause l’aide humanitaire – sa motivation pûrement humaine – et qui privent les ONGHs de leur but premier. Autrement dit, peut-on parler de la fin de l’aide humanitaire « classique » ? Dans un premier temps, nousaborderons la question du rôle des médias, surtout celle de savoir pour qui ceux-ci travaillent. Nous nous intéresserons ensuite au fait de la multiplication des ONGs et à la question de la professionalisation des ses membres. Enfin, nous rappelerons les difficultées liées au concept de neutralité. Dès les années 1960, avec la guerre du Vietnam en arrière-plan, les médias ont commencé à jouer un rôletrès important. En plus d’informer, de montrer et d’expliquer, on comprit vite que ceux-ci pouvaient aussi convaincre. Très rapidement, les hommes politiques comprirent cette faculté, et se mirent à l’exploiter à des fins politiques. Dès lors, l’opinion publique est manipulable ; en effet, si elle n’a pas le regard critique nécessaire, si elle ne se pose pas la question…