FRANQOISE MICHEAU
LES CR.OISADES VUES P,AR LES FIISTORIENSARABES D’HIER ET D’AUJOUR.D’I{UI
Les historiens, les intellectuels, les citoyens, qui rdfl6chissent au ph6ncmdne de la croisade ne peuvent s’arr€ter aux faits, m6me ressaisis dans leur complexitd et leurs causalit6s multiples, mais doivent aussi s’interroger sur les images qui en ont 6te e6bor6es au cours des sidcles. car celles-cipdsent, bien plus que les 6v6nements eux-m€mes, sur le devenir politique, culturel, id6ologique, des pays m6diterrandens. comment les historiens arabes d’hier et d’aujourd’hui ont-ils d6peint les croisades? Poser cette question n’est pas simple curiosit6 d’un esprit enclin au d6paysement, mais reldve d.’une histoire critique,,qui fait de la connaissance du pass6 un outil de compr6hension dessoci6t6s et de leur dvolution. pour y r6pondre,.il ne suffit pas de changer de camp, de proposer une relation 6venementielle invers6er, de chercher chez les auteurs arabes des informations compl6mentaires2,mais il faut s’efforcer de voir ce que les croisades ont repr6sent6 hier, ce qu’elles repr6sentent aujourd’hui dans les pays qui en furent Ie th6dtre.
trel le liwe d’A. Maalouf, Les croisades vuespar les Arabes, paris, 19g3. 2 Dds le XD( » siicle, les savants occidentaui se sont int6ress6s aux chro. niques arabes comme sources subsidiaires, voire contradictoires, de l’histoire des croisades. Ainsi Reinaud r6unissait en 1892 sous le titre Chroniques arabes un ensemble de traductions ou d’analyses d’euwes in6dites, et ce volume s’ins6rait dans la Bibliotheque des croisades de Michaud. Lapublication du Recueil des Historiens des croisades constitua une entreprise « oroid6.uble sous les auspices de l’Acaddmie des inscriptions et bellesJettres; la s6rie orientale .o*pr.ruit, entre autres, cinq gros volumes d’historiens arabes, 6ditds et traduits pir Barbier de Meynard de 1872 a 1906. Plus r6cemment, F. Gabrieli a rassemUte, ae manidre c.ommode_et agr6able, des extraits de dix-septauteurs, ouwage qui a fait l’objet d’une traduction frangaise sous le titre Chroniques arabes dis iroisades, paris, t977.
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FRANQOISE MICHEAU
CommenEonspar feuilleter quelques chroniques arabes des XII » et XIII » siEcles,6crites p,ar des h-ommes qui furent proches, parfois m€me t6moins directs, de l’installation, deux sidcles durant, des La_ tins en- Syrie-Palestine. Chroniques ,.arabes>parce qu,dcrites en arabe, langue de culture et de iommunicatio., dur* ies puys du Proche-orient, mais 6crites par des savants aux appartenances ethniques, r6gionales, confessionnellesdiverses.Il existe, . » furticulier, rl. historiographie propre – sinon originale – aux communaut6s chr6tiennes d’Orient3. s’il y eut, en grand nombre, des chroniques arabes pour aborder les croisades, aucune n’estconsacr6ed l’hisioire des « *peditions des crois6s, d celle de la formation, de l’essor, de la destrucii »; A; E;; latins, ni m€nie aux combats de diihad men6s par les souverains de et d’Egypte contre les Francs. on cherchlra en rain, darrs ,svri: l,ubondante production historiographique arabe des XII »-xtil » sidcles, des monographies dquivalentes aux Gesta Dei per Francos de Gui_ bert de Nogelt, ou dl’Historia r?rum in partibu, trorr*orrr* gesta_ ^d » rum de Guillaume de Tyr. Il n’y a pur uchronit »., u.uues des croisades>, mais un traitement, disp_ers6 6clat6, .i. ; et , »; », dans des ouwages dont le cadre g6n6ral est autre : histoire g6n6rale comme celle d’Ibn al-Athir, chronique r6gionale ou locale »comme l’Histoire de Da.ma.s r6dig6e par Ibn .t-eula ».risi, biographi.. d;3;i;: din. dues aux plumesadmiritives de gaha’ ar-Din .id. ,t*ad al-Din, r6cit centr6 sur une dynastie comme I-e.Livre des Deux t »iii », qu,A_ bo shdma consacra aux Zengides et aux Ayyoubides. croisades et Etats latins se trouvent ainsi ins6r6s dans t’r.r » tru-e dv6nementielle dont ils constituent quelques fils parmi d’autres, avec une coloration .t 3ng importance variables selon la texture g6n6rale de l,ouwage : si les…