« Où étais-tu ? »demanda Garrow, les lignes de son visage dur luisant à la lumière des chandelles. « Il faut ramener les chevaux. »
Eragon fit de son mieux pour ignorer ses rêves éveillés lorsque il se tint sur l’estrade, dans le hall principal du corps de garde, directement à droite du trône de Lord Bradburn. Il plaça sa main gauche sur le pommeau de Brisingr, qu’il rengaina et adopta une allureplus décontractée, en espérant que personne ne remarquerait son épuisement.
De l’autre côté du trône se trouvait Jörmundur, tenant son casque dans le creux de son bras gauche. Les cheveux grisonnants à ses tempes, le reste de sa chevelure brune était retenue par une longue tresse. Sur son visage mince se peignait l’expression délibérément impassible d’une personne qui possédait une expériencesupérieure à celle des autres. Eragon remarqua une fine estafilade rouge courant le long de l’intérieur du bras de Jörmundur, comme une blessure ou une autre chose de ce genre, mais Jörmundur ne montrait aucun signe de douleur.
Entre eux deux était assise Nasuada, resplendissante dans une robe de verts et jaune, qu’elle n’avait portée auparavant uniquement lors de rares occasions, troquant soncostume de guerre pour un habit plus convenable à la gestion des affaires publiques. Elle aussi était marquée par la bataille, comme le montrait avec évidence le bandage de lin blanc entourant sa main gauche.
D’une voix suffisamment basse pour que seuls Eragon et Jörmundur puissent entendre, Nasuada dit :
« Si nous pouvions obtenir leur soutien …
-Que pourrions-nous leur offrir en échange ?demanda Jörmundur. Nos coffres sont presque vides et notre avenir déjà incertain. »
Ses lèvres bougeant à peine, elle répondit :
« Peut-être qu’ils ne souhaitent rien de plus qu’une chance de renverser Galbatorix. Elle marqua une pause. Sinon, nous devrons trouver des moyens de persuasion autres que l’or pour qu’ils rejoignent nos rangs.
-Vous pourriez leur offrir des barriques de crème », ditEragon, obtenant un gloussement de Jörmundur et un rire mou de Nasuada.
Leurs murmures s’interrompirent avec le retentissement de trois trompettes à l’extérieur de la salle. Alors un page aux cheveux de lin, habillé d’une tunique piquée avec le dragon blanc emblématique des Vardens, entra et frappa le sol du pied avec une allure solennelle, et annonça d’une voix fine et gazouillante :
« SonAltesse Royale la Plus Exaltée, Grimrr Demi-Patte, le Roi des Chats-Garous, le Seigneur des Endroits Solitaires, la Règle des Portées Nocturnes et Celui qui Marche Seul. »
« Étrange comme titre « Celui qui Marche Seul », fit observer Eragon à Saphira.
-Mais justifié je pense », répondit-elle.
Eragon détecta son amusement, même s’il ne pouvait pas la voir à l’endroit où elle se trouvait,enroulée autour du corps de garde du château.
Le page s’écarta et, par le porche, s’avança à grands pas la Demi-patte Grimrr sous sa forme humaine, suivi par quatre autres chats-garous, marchant silencieusement juste derrière lui à l’aide de leurs pattes broussailleuses. Les quatre ressemblaient à Solembum, le seul autre chat-garou qu’Eragon avait vu sous l’aspect d’un animal : les épaules puissanteset lestes, le pelage court, sombre sur l’encolure et se mourant sur les oreilles touffues et le bout de la queue, qu’ils agitaient avec grâce d’un côté à l’autre.
La Demi-patte de Grimrr, pourtant, ne ressemblait à aucune des créatures qu’Eragon connaissait. Grand d’environ quatre pied, il avait la même taille qu’un nain, mais personne ne pourrait le confondre avec un descendant de Korgan, nimême avec un humain. Il avait un menton petit et pointu, de larges pommettes et, au-dessous de d’épais sourcils, brillaient des yeux verts inclinés, entourés de cils semblables à des ailes. Sur son front, ses cheveux noirs déguenillés étaient suspendus vers le bas, tandis que sur les tempes et l’arrière de son crâne, sa chevelure lisse et lustrée tombait sur ses épaules, comme les crinières de ses…