A) Les Corvées dans les camps
A l’inverse du travail en commando, les corvées étaient obligatoires et, sauf exception, ne donnaient droit à aucun régime de faveur pour ce qui était de la ration alimentaire. Elles avaient lieu à l’intérieur du camp ou à l’extérieur, comme ce fut le cas pour J.J. Degenhardt qui raconte :
« La grande majorité des prisonniers [de son camp] fut employéecomme bûcherons. Dans les environs, se trouvait auparavant un camp de munitions ; il avait été bombardé. Les vieux arbres qui avaient reçu des éclats de bombe étaient abattus. On estimait alors la quantité d’arbres à supprimer à environ 50 000 m3. Chaque prisonnier avait obligation d’abattre et de couper 1,5 m3 par jour. Comme,jusque-là je n’avais jamais eu en main une hache et une grande scie, jetrouvais cela très dur de produire chaque jour la quantité demandée, compte tenu de notre maigre nourriture. Le dimanche, on travaillait aussi. On partait en colonne après le petit déjeuner et on revenait le soir vers 18 h pour le dîner ».
Les corvées étaient également effectuées par des femmes. Madeleine Perrin raconte :
«Toutes les corvées du camp étaient exécutées par les prisonnières. ARavensbrück, en 1943, nous devions sortir à 3H30 pour l’appel du matin qui durait environ deux heures, par n’importe quel temps. Nous partions cinq par cinq, nous serrant pour avoir moins froid et ne pas tomber sur le verglas ou la neige (…) Après l’appel général, avait lieu sur l’avenue centrale du camp un second appel, celui du travail : les travailleuses en colonnes pour l’extérieur du camp,forêt, sable, charbon, etc., et les autres pour les ateliers de confection à l’intérieur du camp, rangées par atelier»
Voici un autre témoignage féminin :
« A trois heures et demie, la sirène hurle le réveil; il fait noir, il fait froid. Les corvées de café sont déjà à la peine; elles ont dû courir aux cuisines et, dans la nuit, traînent les bidons pleins. Pendant ce temps, les autres s’agitentcomme des automates; il faut s’habiller, arranger le lit réglementaire. Nous nous habillons sur le lit, accroupies et la tête baissée. On joue des coudes pour accéder aux robinets et aux cabinets.
Au Waschraum, qui compte une vingtaine de lavabos et de bacs, ou de fontaines circulaires, quand ils fonctionnent tous, pour plusieurs centaines de femmes, c’est la cohue et pourtant toutes ne réussissentpas à passer. Il faut choisir entre la queue au lavabo, la queue aux WC et la queue au café. Quand on réussit à approcher d’un robinet, sans savon, sans brosse à dents, vite une toilette sommaire. »
Les détenus (hommes ou femmes) avaient diverses corvées : transport du café, du pain, des bidons de soupe, nettoyage des Blocks ou du Revier, entretien des bâtiments, etc. Certaines de ces corvéessont épuisantes ou répugnantes :
« Le transport des bidons de soupe par des femmes affaiblies devient une épreuve que tout le monde essaye d’éviter; deux prisonnières doivent porter un bidon de 30 à 50 litres environ; les porteuses fatiguées butent sur les pierres, glissent sur la terre ou la neige, heurtent le bidon, projettent de la soupe bouillante sur leurs pieds; et le désastre arrive parfois:elles tombent, ou une surveillante les bouscule et les frappe jusqu’à ce qu’elles tombent et répandent la précieuse nourriture. Parmi les corvées il y a, surtout les derniers mois, l’enlèvement des mortes entreposées à mesure sur le sol des lavabos et qu’il faut ensuite transporter à la fosse ou au crématoire… Les travaux d’entretien du camp étaient presque totalement assurés par des déportéesétrangères. Les Françaises étaient arrivées en nombre alors que la plupart des Blocks et les rouages principaux du camp fonctionnaient déjà. Non seulement elles n’occupaient pas de poste d’autorité ou de surveillance, mais elles n’accédaient, sauf exception, ni à la cuisine, ni à l’infirmerie, ni à l’habillement, ni au jardinage…
Dans l’enceinte de Ravensbrück ou dans ses environs proches,…