UN LIVRE APPAREMMENT VIEUX :
« LIVRE VERT »
POUR CONSTRUIRE UN MONDE NOUVEAU
EN CONTEXTE DE POST-MODERNITÉ
J’espère communiquer quelque chose d’un souffle d’ouverture de tombeaux : un petit centimètre cube d’air frais. Nous, Québécoises et Québécois du 3e millénaire, ne vivons pas dans un régime de décrépitude, de mort, mais dans un régime de vie, de vie indestructible, malgré toutes lesapparences. C’est de cette espérance que je voudrais témoigner, très modestement.
0 Un bref état de question
0.1 Le statut de la Bible dans une Église de chrétienté
Dans une Église de chrétienté, tout était […] en ordre, bien à sa place, comme dans des casiers prédéterminés. Grosso modo, la Bible était confinée à trois lieux : la liturgie, la catéchèse à l’école et les programmes dethéologie à l’université. La Bible n’était pas ouverte à l’air libre; on l’enfermait dans des compartiments.
Ce statut de la Bible a entraîné, entre autres, quatre conséquences… qui laissent des traces, même si chez nous la période de l’Église de chrétienté est bel et bien révolue.
1- À peu de chose près, la Bible est restée un monopole de personnes compétentes: les clercs et les spécialistes, ycompris les spécialistes de la vulgarisation. Malheureusement, la plupart des exégètes jouent le jeu de l’accaparement des Écritures, au risque de l’hermétisme du langage. Dans les facultés universitaires, trop souvent, on passe les textes au bistouri de méthodes sèches, un peu comme on le fait pour les cadavres dans les facultés de médecine, sans trop de référence à la dimension de Parole vivanteet actuelle. Tout cela fait que la Bible est souvent marginalisée par rapport à la vie.
2- Tout bon catholique qui n’a pas suivi de cours ou de sessions spéciales, dès qu’il ouvre la Bible ou qu’il est mis au pied du mur par un Témoin de Jéhovah, se sent paralysé, pris de panique, et se pense incapable de comprendre quoi que ce soit. On s’imagine qu’il faut être un peu savant pour lire la Bible etla déchiffrer. Même un baccalauréat en théologie n’a pas l’air de suffire! Je reçois souvent des téléphones de personnes qui ont demandé des renseignements bibliques, même assez élémentaires, à leur responsable religieux, prêtre ou animateur de pastorale laïque; celui-ci leur a dit : «Appelle donc Marc Girard !» On est comme pas à l’aise avec la Bible.
3- La Bible n’a pas vraiment été, dansl’Église chez nous, à la base de grands mouvements communautaires. Deux choses me semblent avoir fait obstacle.
D’abord, la couleur dominante que la pastorale d’ensemble a prise : une pastorale où le fonctionnement, l’organisation, les structures, prennent trop souvent le dessus sur la vie, la recherche, l’inédit; autrement dit, une pastorale où le faire prime sur le sens, c’est-à-dire, en termesplus concrets, une pastorale où, à la longue, l’ossature risque de prendre plus d’importance que le système respiratoire. Je suis conscient ici de caricaturer. Mais, pour peu qu’on écoute les distants et même les agents de pastorale qui se lassent et qui s’essoufflent, on se rend compte que l’image projetée n’est pas très loin du dessin un peu sommaire que je vient de tracer.
Un autre obstacle vientde la place qu’on réserve, dans nos diocèses catholiques, à ce qu’on appelle parfois la « pastorale biblique ». On la présente assez régulièrement comme une pastorale spécialisée, parmi tant d’autres et, surtout, à côté de tant d’autres. Avec le risque du compartimentage des diverses pastorales. Cercles bibliques, week-ends bibliques, cours de Bible populaires, avec professeur ou parcorrespondance, groupes de partage, sessions d’initiation à la lectio divina, etc.: tout cela fait partie des nombreux sentiers d’approfondissement très prometteurs, tous plus ou moins parallèles, qu’on offre aujourd’hui au supermarché des spiritualités. Ainsi, beaucoup de gens s’entraînent, en groupes, à fonctionner par après… individuellement! On touche là du doigt l’importance peut-être exagérée…