Une logique de la communication(1967) Paul Watzlawick, Janet Helmick, Don D. Jackson Une logique de la communication. Proposition pour une axiomatique de la communication.
Éditions du Seuil, Paris, pages 45 à 69.
Les relations de Bateson avec les psychiatres du Mental Research Institute de Palo Alto, au premier rang desquels Paul Watzlawick (né en Autriche en 1921), offrent l’exemple d’unfascinant mutualisme ou, comme dirait l’auteur de Vers une écologie de l’esprit, d’un Mind dont les partenaires s’emboîtent de façon très complémentaire. Sans retracer ici l’histoire du Collège invisible1, disons que Watzlawick révéla Bateson à Bateson autant qu’aux chercheurs puis au grand public. Il eut l’art de débrouiller, en les schématisant sans doute, et de faire atterrir sur des domaines précis(comme la thérapie familiale) des intuitions restées assez confuses chez Bateson, « notre ami et notre maître » (comme il est dit en dédicace de Pragmatics of Human Communication).
« L’essence de notre message au lecteur est que la communication est la matrice dans laquelle soft enchâssées toutes les activités humaines. » Cette déclaration de Bateson et Ruesch dans Communication: The SocialMatrix of Psychiatry (1951) est de celles qui décidèrent le jeune Watzlawick, philosophe et psychothérapeute marqué par Wittgenstein et l’analyse logique du langage, à repenser en termes de communication les concepts de la métapsychologie freudienne.
Pour mesurer l’apport de l’école de Palo Alto, mieux vaut écarter les derniers ouvrages de Watzlawick, qui se complaisent dans l’anecdote, pour revenirà Une logique de la communication, inestimable outil de culture et de recadrage pour nos études, puisqu’on y trouve formulées des propositions aussi stimulantes et grosses de conséquences que:
– Toute communication s’analyse en contenu et relation: d’où l’ouverture pragmatique et les études de l’énonciation qui examinent comment celle-ci modifie celui-là ; ou comment la fonction phatique decontact2 peut supplanter l’information. Etudes tardives dans la mesure où la relation, les effets de cadre et la fonction media en général demeurent l’impensé de nos messages (ils en vivent, ils ne la réfléchissent pas);
– Communiquer, c’est entrer dans l’orchestre : emprunter le capital symbolique disponible, ajouter son timbre ou sa note à l’ensemble préexistant, jouer avec les autres, mettre encommun et faire avec (l’infrastructure ou l’environnement médiatique)… Nul n’est le sujet à part entière d’une communication, chacun y participe sans en être la source ponctuelle, ni l’aboutissement. Ce paradigme de l’orchestre s’oppose bien sûr à la ligne du télégraphe dans le modèle de Shannon3. Il combat aussi le logocentrisme: communiquer, c’est mettre en jeu l’ensemble des signes disponibles,liés d’abord au comportement. D’où l’importante remarque qu’on ne peut pas ne pas communiquer (ne pas être relié, ne pas influencer, etc.). L’espace humain ou ce qui circule dans l’intersubjectivité est saturé de signes plus que de choses, et le système de ces significations, bien loin d’être commandé par chacun, nous précède. Cette métaphore de l’orchestre renouvelle la question de ce que veutdire « faire sens »;
1 On peut lire celle-ci dans l’ouvrage d’Yves Winkin, la Nouvelle Communication, Seuil, 1981, et dans celui de Jean-Jacques Wittezaele et Teresa Garcia, A la recherche de I’école de Palo Alto, Seuil, 1992. 2 Ce concept introduit par Roman Jakobson a été présenté au chapitre II. 3 Présenté infra chapitre V, ce schéma inspirait déjà dans le texte de Jakobson (chapitre II) sonexposé des six facteurs inaliénables de toute communication: le message y voyage en ligne, de l’émetteur au récepteur, moyennant un certain code et le long d’un canal (représenté d’abord pour Shannon par la ligne des téléphones Bell).
– La distinction du digital et de l’analogique, qui recoupe celle du contenu et de la relation, n’est pas moins fondamentale mais demeure ici très confuse. On…