Existe-t-il une violence gratuite ?
La violence est un superlatif de la force. Elle correspond selon Aristote à la contrariété de la tendance naturelle des choses. Cependant, la détermination d’un acte comme violent dépend souvent d’interprétations subjectives et variables : les manifestations de la violence sont trop dispersées, trop paradoxales pour être significatives. Selon Freud, l’hommeest foncièrement agressif et violent. Pour Girard, elle n’’est pas instinctive mais intersubjective et sociale. Elle correspondrait à la négation de tout ce qui est humain (la parole, le respect, la rationalité….). Pour tenter de définir la violence, on peut s’appuyer sur la version d’Alain : « la violence est un genre de force, mais passionnée, et qui vise à briser la résistance par la terreur »,ce qui nous amène à poser la question des raisons de l’usage de la violence. La violence peut avoir de nombreuses origines : une agressivité d’essence animale, l’extériorisation d’une pulsion de mort, une volonté de puissance, la recherche de l’accomplissement d’une tâche. Un individu peut être violent lorsqu’il désire obtenir quelque chose, se défendre, ou faire du tort à quelqu’un. Commentconcevoir alors une violence dite « gratuite » ? Une telle forme de violence n’aurait aucune raison valable, pas de fondements, pas de justifications. Elle ne serait pas déterminée par des motifs extérieurs ou des considérations « rationnelles ».
Existe-t-il une violence gratuite ? A quoi reconnaître un homme exerçant une telle forme de violence ? L’analyse des moyens d’expression d’une violence «gratuite » à l’échelle de l’individu, puis à l’échelle des masses nous permettra d’examiner si elle se distingue de la violence courante.
La violence s’exprime parfois sans raisons connues de celui qui l’emploie : dans des cas de perturbations pathologiques par exemple.. Un individu malade n’a pas conscience de ce qui l’entoure, t bien souvent déforme et interprète à sa façon un contactextérieur, qu’il va considérer comme une agression, même si sa nature était tout à fait autre. Il risque alors de riposter de façon violence. De même, Freud explique qu’un individu poussé dans des conditions de solitude extrême peut se renfermer sur lui-même, se couper du monde extérieur et ne plus être compris par le monde qui l’entoure. Le surmoi de l’individu fait alors rage contre son moi avec uneviolence impitoyable, rendant le sujet fragile aux agressions extérieures. Ce travail de l’inconscient se retrouve dans des cas d’hystérie. Pour citer Freud, « le moi hystérique se défend contre la perception pénible qui le menace, en provenance de la critique de son surmoi ». La personne frappée d’hystérie ne se contrôle plus, est incapable de faire usage de sa raison, pour des causes qui peuvent luiêtre inconnues.
On peut également considérer la place qu’occupent les passions dans l’esprit d’un individu. En effet, les passions, dont les effets sur une personne peuvent être puissants et spectaculaires, affaiblissent l’esprit et peuvent pousser un individu à agir de façon impulsive et déraisonnable. Aveuglé, il peut se montrer d’une violence extrême. Freud associe cette violence à unepulsion de mort (Thanatos), composante de la pulsion de vie (Eros). Les deux sont étroitement liées, et c’est cette pulsion de mort qui génère parfois les crimes passionnels. Carmen, de Prosper Mérimée, en est un exemple probant. Le sentiment amoureux peut se manifester d’une façon tout à fait incompréhensible et pousser l’homme à commettre un excès d’amour, qu’on prendrait plutôt pour un excès deviolence. L’alcoolisme et la consommation de drogues correspondent également à un excès qui peut rendre un individu incontrôlable. Une personne sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool n’est absolument pas capable de faire la part des choses entre le monde réel et leur imaginaire, et peut se montrer très violent.
Ensuite, Nietzsche, dans Généalogie de la Morale, utilise l’exemple des créanciers,…