Atala et rené

XVIII ème / Chateaubriand / René / Atala

I) René

René, perpétuellement en quête de l’infini, émigre en Amérique où il livre les secrets de son âme à un prêtre missionnaire et à un vieil Indien Natchez.

En écrivant « René », Chateaubriand n’ imagine pas à quel point son personnage influencera la jeunesse et la littérature. Selon Théophile Gautier, Chateaubriand « invente la mélancolie etla passion moderne ». Le mal de René devient « le mal du siècle ». On le retrouve chez les poètes romantiques et chez Baudelaire.

A la poursuite des chimères

René,qui a fui l’Europe, trouve refuge en Amérique dans une tribu d’Indiens Natchez. Son père adoptif, Chactas, et le père missionnaire Souël invitent le jeune homme à ouvrir son cæur. Tout au long du roman, René raconte sa vie. Sanaissance coûta la vie à sa mère. Il fut élevé dans le château paternel avec sa sæur Arnélie, la seule femme qu’il eût jamais aimée. A la mort de son père, René, dérouté, fut attiré par la vie monastique. Puis il décida de voyager en Italie, en Grèce, en Angleterre, mais ces péripéties n’apaisèrent pas les douleurs de son âme. De retour en France, il s’installa dans un faubourg de Paris où il futconfronté à l’ennui, puis à la campagne où la nature et les saisons le plongèrent dans des rêveries exaltées. Sa sæur le quitta pour la vie religieuse et mourut peu de temps après. René décida alors de fuir l’Europe et embarqua à Saint-Malo pour l’Amérique. Le roman s’achève sur un jugement sévère du P. Souël qui tire la morale de cette histoire.

Du « vécu » à la fiction

En 1802, Chateaubriandpublie « Le Génie du christianisme ». L’illustration d’un chapitre sur le « vague des passions » en sera détaché, en 1805, pour devenir René et être réuni à Atala.

François René de Chateaubriandfut un adolescent rêveur et mélancolique. Les longues journées tristes et mornes passées entre son père, sa mère et sa soeur Lucile au château de Combourg, amenèrent l’écrivain à se replier dans uneorgueilleuse solitude où il se laissa aller à ses rêveries. Chateaubriand écrivit « René » en 1793, lors de son exil à Londres. Il semblerait qu’il s’y remémore les états d’âme de sa jeunesse. On y retrouve la nature, la mort, l’exaltation du moi comme dans « les Mémoires d’outre-tombe » qui est un récit autobiographique. Cependant, si « René »prend ses racines dans le « vécu », on ne peut nier le caractère fictifdu roman, et c’est sans doute grâce à ce lien entre le réel et l’imaginaire que Chateaubriandsut admirablement retranscrire les sentiments d’un jeune homme tourmenté.

Extraits : »

Le 21 de ce mois que les Sauvages appellent la lune des fleurs, René se rendit à la cabane de Chactas. Il donna le bras au Sachem, et le conduisit sous un sassafras, au bord du Meschacebé. Le P. Souël ne tarda pas àarriver au rendez vous. L’ aurore se levait : à quelque distance dans la plaine, on apercevait le village des Natchez, avec son bocage de mûriers, et ses cabanes qui ressemblent à des ruches d’ abeilles. La colonie française et le fort Rosalie se montraient sur la droite, au bord du fleuve. Des tentes, des maisons à moitié bâties, des forteresses commencées, des défrichements couverts de Nègres,des groupes de Blancs et d’indiens présentaient dans ce petit espace le contraste des mæurs sociales et des mæurs sauvages. Vers l’Orient, au fond de la perspective, le soleil commençait à paraître entre les sommets brisés des Appalaches, qui se dessinaient comme des caractères d’ azur dans les hauteurs dorées du ciel .. à l’Occident, le Meschacebé roulait ses ondes dans un silence magnifique, etformait la bordure du tableau avec une inconcevable grandeur.

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Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j’ éprouvais dans mes promenades ? Les sons que rendent les passions dans le vide d’un cæur solitaire, ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d’un désert : on enjouit, mais on ne peut pas les peindre….