Claude gueux

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Les poètes engagés
Que désigne-t-on par engagement ? Le terme apparaît au lendemain de la seconde guerre mondiale (1945) et cette idée de l’engagement de l’artiste, de l’intellectuel, de l’écrivain a été défendue par le philosophe existentialiste français Jean-Paul Sartre (1905-1980), notamment dans son essai Qu’est-ce que l’Existentialisme ? Petit Robert : L’engagement désigne « l’acte oul’attitude de l’intellectuel ou de l’artiste qui, prenant conscience de son appartenance à la société et au monde de son temps, renonce à une position de simple spectateur et met sa pensée ou son art au service d’une cause » (par exemple la dénonciation des conditions de travail des ouvriers, du fascisme, de la peine de mort, de l’esclavagisme, de la guerre, la défense de la liberté d’expression,etc.) On a l’habitude de parler de « poésie engagée » pour évoquer les écrits de poètes engagés au service de la Résistance et qui se sont élevés contre l’Occupation de la France et contre la politique du Maréchal Pétain, au service de l’Allemagne nazie. Cependant, cette notion de « poésie engagée » peut être élargie et l’on se rend compte que c’est une pratique littéraire très ancienne. Lespoètes romantiques : introduction Au XIXeme siècle le poète romantique (Lamartine, Chateaubriand, Hugo…) se considère volontiers comme un prophète1 chargé de sauver le monde. A cela, s’ajoutent des préoccupations sociales, souvent d’inspiration chrétienne : il faut que l’humanité se débarrasse des injustices et de la misère. Cependant, en réaction contre les premiers romantiques qui ont assigné unemission éducative et sociale à la poésie, certains écrivains comme Théophile Gautier défendent la théorie de l’art pour Part. Selon Gautier, le poète ne doit se préoccuper que de problèmes exclusivement poétiques, son message essentiel doit être la poésie elle-même : « II n’y a rien de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien. » écrit-il dans sa préface à son roman Mademoiselle de Maupin. Labataille romantique : Historiquement, la génération romantique doit survivre à la défaite napoléonienne et trouver de difficiles repères dans un pouvoir politique sans vigueur. Déçus par la Restauration, les artistes n’ont néanmoins pas perdu tout espoir d’offrir aux hommes un soulagement à leurs tourments. Car le héros romantique, incarné par Musset, n’est pas seulement enfermé dans sa mélancolieindividuelle. Aussi la génération qui a connu les journées de révolte de 1830 (Lamartine, Hugo, Mérimée) s’engage-t-elle dans l’action politique. D’abord conservateur, le mouvement s’oriente vers le libéralisme. La poésie « sera philosophique, religieuse, politique, sociale », proclame Lamartine (Destinées de la poésie, 1834), qui considérait, avec Hugo ou Sand, que l’artiste devait mettre sontalent au service du peuple et de tous ceux qui ne savent pas s’exprimer. La révolte romantique s’attaque ainsi à tout ce qui nuit à l’épanouissement de l’homme, dans le domaine politique, social ou moral. Ses outils sont ceux de la littérature, mais aussi de la peinture, avec Delacroix (1798-1863), ou de la musique, sous la baguette de Berlioz (1803-1869). Le romantisme réunit tous ceux qui défendentl’idée d’un combat contre les auteurs du siècle passé, les classiques, trop attachés à des règles rigides. C’est essentiellement au théâtre que va se dérouler le conflit : Vigny, Hugo, Musset, Dumas prônent la suppression des genres et le mélange de
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Prophète : personne qui prédit l’avenir, devin.

2 la tragédie avec la comédie ; ils rapprochent les extrêmes, « l’ombre à la lumière, legrotesque au sublime, en d’autres termes le corps à l’âme, la bête à l’esprit » (Hugo, Préface de Cromwell, 1827). On abandonne les règles classiques de vraisemblance, de bienséance, d’unité de lieu et de temps. Lors des représentations d’Hernani, en 1830, les partisans de la pièce de Hugo, menés par Gautier et Nerval, s’opposent violemment aux défenseurs du classicisme. Pour les romantiques,…